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réussi. M. Mollien fut complètement étranger à l’idée d’ériger ces constructions d’un style tout nouveau, dit-il ; il exprime l’opinion qu’en supposant qu’elles eussent été d’un meilleur goût, c’eût été une dépense déplacée. Appliquer le luxe d’une architecture fastueuse, ou prétendue telle, à des bureaux de perception lui semble une inconvenance égale à celle qu’on commettrait, si l’on déployait toutes les recherches de la typographie dans la publication des tarifs d’impôts.

Dans les rapports qu’il eut à soumettre à ses chefs à l’occasion du nouvel arrangement de l’octroi, M. Mollien s’inspirait spontanément des principes que la révolution de 89 a consacrés plus tard. C’est ainsi qu’il recommandait qu’on garantît à la généralité des contribuables, au sujet de l’octroi de Paris, « cette égalité de condition au nom de laquelle seulement un gouvernement juste peut leur demander à tous l’égalité de l’obéissance. » Ces paroles étaient alors presque téméraires, car elles heurtaient de front l’esprit et la lettre du système d’impositions en vigueur ; mais elles répondaient au sentiment public, qui, dans les classes éclairées, reconnaissait les innombrables vices du régime fiscal de l’époque, sans avoir cependant la force d’en commander la réforme.

Ceci se passait en 1783 ; l’année d’après, on s’occupa de préparer le nouveau traité avec la ferme-générale ; l’ancien expirait au 31 décembre 1785. M. Mollien, avec l’intendant de la ferme-générale, qui était alors M. de Colonia, homme de mérite sorti des rangs de la magistrature, fit adopter des bases plus avantageuses pour le trésor public. Les fermiers-généraux garantissaient la somme de 144 millions : c’était ce qu’on appelait le prix rigoureux ; mais la chance des bénéfices ne devait s’ouvrir pour eux qu’au-delà de 150 millions ; c’était ce qu’au point de vue de l’état on qualifiait de prix espéré.

Ce renouvellement du bail de la ferme-générale pour six années, à dater du 1er janvier 1786, fut marqué par une autre amélioration où M. Mollien fut pour une part. Fidèle à la pensée de changer le tarif des douanes de manière à agrandir le commerce extérieur de la France, M. de Vergennes, qui unissait le titre de président du conseil des finances avec celui de ministre des affaires étrangères, demanda au roi que ce tarif fût soustrait à l’immutabilité sous laquelle on le tenait, en se fondant sur les engagemens contractés avec la ferme-générale. À ses yeux, toute question de douanes était pour le moins autant une question de politique que de finances. Il représenta à Louis XVI que, comme ministre des affaires étrangères, il ne pourrait, dans l’état de paix où se trouvait heureusement le monde, entamer une négociation sans qu’on lui demandât des explications et des garanties sur la nature et les conditions des rapports commerciaux entre le pays que le traité intéressait et la France. Il