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fermage qui à ce moment était d’environ 120 millions, elle percevait le produit de certaines branches du revenu public, à savoir le monopole du sel, le monopole du tabac, les douanes, les entrées de Paris avec les droits d’aides (impôts sur les boissons) dans le territoire de la banlieue. Elle recouvrait aussi dans tout le royaume les droits d’aides et les droits domaniaux, dont le produit annuel excédait 80 millions ; mais ces deux branches de revenus furent distraites de la ferme-générale par Necker en 1778, lorsqu’il renouvela le marché, et elles durent former dès-lors l’objet d’une régie publique, de sorte que le produit tout entier en fût versé au trésor. Les fermiers-généraux payaient par douzièmes le prix convenu avec l’état ; mais comme le public acquittait l’impôt au comptant, ils ne versaient au trésor que ce qu’ils avaient déjà perçu, sauf la différence médiocre qui pouvait exister entre un mois et un autre. Ils étaient au nombre de soixante à l’époque où débutait M. Mollien. Plus tard, Necker les réduisit à quarante. M. Mollien put constater que les profits de chacun d’eux, d’après le bail de 1774, étaient de plus de 200,000 francs par an, indépendamment de l’intérêt de leur mise, et cela avec des frais de perception qu’ils auraient pu amplement réduire d’un tiers. En comptant ce qu’ils touchaient à titre d’intérêt, le bénéfice net de chacun d’eux était d’environ 300,000 fr., soit 18 millions pour la compagnie. Et si l’on veut savoir pourquoi le gouvernement laissait le trésor sous cette charge exorbitante, c’est que, pour s’en affranchir, il aurait fallu rembourser aux fermiers-généraux leur capital d’exploitation, représenté presque en totalité par des bâtimens, des magasins, des matières premières (sels et tabacs). C’était une somme de 1,560,000 fr. par tête de fermier-général, de sorte que l’état, en conséquence de sa pénurie et de son discrédit, payait un intérêt de 18 millions par an pour une somme de 93,600,000 francs, soit 20 pour 100. La compagnie pourtant faisait en outre quelques courtes avances, mais c’était par un moyen qui ne lui coûtait guère, et n’exigeait pour ainsi dire pas de capital : il consistait en effet à émettre des billets remboursables à sa caisse, qu’on appelait billets de la ferme-générale, et que recherchaient les particuliers qui avaient dèe fonds oisifs en expectative d’un placement. Ce secours était tout bénévole, c’était même une menace suspendue sur la tête des ministres, qui restaient à la merci des fermiers-généraux, puisque ceux-ci étaient libres de discontinuer à tout instant ce prêt gracieux. Il faut dire que la compagnie des fermiers-généraux était loin de tirer à elle la totalité des profits qui semblaient lui être dévolus. À l’époque qui nous occupe, elle se composait d’hommes honorables avec lesquels il aurait été facile de prendre des arrangemens avantageux au trésor ; mais la rapacité