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d’un degré centigrade, en sorte que vers 3 kilomètres de profondeur on aurait plus que de l’eau bouillante. Déjà vers 550 mètres le puits artésien de Grenelle a ramené des eaux tièdes, et juste au degré prévu par les sondages thermométriques de M. Walferdin ; il n’y a donc point à s’étonner que dans les terrains fort accidentés, où les couches rocheuses du sol sont très disloquées et présentent des cavités profondes aux eaux souterraines, celles-ci, en s’infiltrant à de grandes profondeurs, rencontrent des cavités à parois naturellement très chaudes, qui, étant remplies jusqu’au bord supérieur, reçoivent des ruisseaux d’eau froide qui tombent au fond en faisant déborder l’eau chaude, beaucoup plus légère. Il est donc assez probable que les substances chimiques rapportées par les eaux thermales viennent d’une profondeur plus grande que celles qui remontent avec les eaux froides. Depuis que j’ai indiqué aux lecteurs de la Revue les profondeurs de la terre comme une véritable source ou usine de chaleur, j’ai appris que l’idée d’exploiter thermométriquement l’intérieur de la terre s’était déjà présentée à deux industriels étrangers l’un à l’autre, et je leur restitue bien volontiers leur initiative d’inventeurs, à la condition cependant qu’ils ne me forceront pas à prendre des actions dans leur future société. Sérieusement parlant, c’est encore par les puits artésiens seuls que l’on peut extraire économiquement la chaleur souterraine avec l’eau comme auxiliaire, laquelle a par elle-même une grande valeur. C’était la pensée inflexible d’Arago, qui, dans le conseil municipal de Paris, s’écriait à chaque profondeur de cent mètres atteinte sans obtenir de l’eau : « Tant mieux ! nous en aurons de plus chaude ! » — « Ce que j’admire le plus dans votre beau puits foré de Grenelle, me disait lord Brougham, ce n’est pas l’art du sondeur qui a été vraiment merveilleux, mais bien la persévérance par laquelle on est arrivé à un si étonnant résultat. » Maintenant la merveille de ce puits est oubliée, et la société, ingrate et distraite, tend de nouveau la main à la science en lui disant : Encore !

Les eaux des puits artésiens très profonds sont thermales, c’est-à-dire chaudes, mais elles ne sont pas pour cela minérales, c’est-à-dire chargées de substances chimiques. L’eau du puits de Grenelle, qui nous arrive après un filtrage souterrain que M. Walferdin a reconnu être de plus de cent vingt kilomètres, est surtout remarquablement pure. Il est inconcevable que les Parisiens s’obstinent à boire les eaux plâtrées de leur banlieue, tandis qu’ils ont dans les eaux du puits de Grenelle une eau d’une exquise pureté. Au reste on n’a pas plus utilisé cette eau pour sa chaleur que pour sa qualité, et les rues du quartier de l’Observatoire sont lavées par cette précieuse eau thermale, tandis que les eaux séléniteuses d’Arcueil et du canal de l’Ourcq servent à la boisson d’une notable partie de la capitale. Je reviendrai un jour sur les travaux de M. Belgrand, relatifs aux eaux du bassin de la Seine.

Je terminerai par une considération relative à la conservation de l’eau à la surface de la terre. Il est évident que la chaleur interne de la terre s’oppose à toute déperdition des sources par voie souterraine, car dès que l’eau arrive à trois ou quatre kilomètres de profondeur, elle y trouve un sol incandescent qui la renvoie bien vite en haut après l’avoir réduite à l’état de vapeur. Et qu’on ne croie pas que la force de la vapeur soit insuffisante pour