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soit dans le domaine restreint de leur activité particulière, soit sur le théâtre plus imposant de la diète de Francfort ? Ce serait se perdre dans des complications sans nombre, ce serait surtout s’exposer à d’inutiles redites. La situation de ces petits états, c’est la situation même des trois Allemagnes que je viens de décrire ; ceux-ci se sont attachés à la Prusse, ceux-là ont suivi le mouvement de l’Autriche ; d’autres enfin, plus sagement inspirés ou moins gênés dans leurs allures, se sont groupés, pour toutes les questions extérieures, autour du nouveau centre politique constitué en Bavière et en Saxe. La grande affaire qui domine toutes les autres, c’est la lutte du parti aristocratique et de la bourgeoisie libérale. Dans les pays même où cette lutte semble finie, où l’esprit du tiers-état paraît étouffé par la violence, une sombre irritation gronde toujours au fond des cœurs. Je voulais éviter les détails, mais comment taire les indignités commises dans la Hesse électorale ? comment refuser une parole de sympathie et d’encouragement à ce vaillant peuple hessois, si honnête, si loyal, et livré comme une proie à des hommes justement repoussés par l’opinion ? J’ai déjà dit avec quelle passion, avec quelle furieuse ardeur à combattre les usurpations de la Prusse, le prince de Schwarzenberg avait sacrifié ici la cause du droit et de la morale à son inflexible politique ; j’ai déjà montré M. de Pfordten violant ses propres principes d’indépendance nationale et se résignant à n’être que l’aveugle instrument des rancunes autrichiennes : il faut ajouter que cette déplorable affaire de la Hesse est pour l’Allemagne entière une blessure qui saigne toujours. Demandez à un Allemand quels ont été pendant ces dernières années les faits les plus graves, les circonstances les plus décisives, celles qui ont le plus agité l’opinion et qui l’agiteront encore : il vous citera aussitôt l’odieuse iniquité dont le peuple hessois est victime. Rien n’est changé en effet. M. Hassenpflug, puisqu’il faut le nommer, gouverne toujours ce malheureux pays. Opposons à ce douloureux spectacle des tableaux consolans. Dans les Saxes ducales, principalement dans le duché de Saxe-Cobourg-Gotha, des traditions généreuses, entretenues par le souverain lui-même, donnent une physionomie particulière à ce coin privilégié de l’Allemagne. Tout récemment encore, un écrivain d’origine prussienne, M. Gustave Freytag, ayant eu l’intention de peindre dans un émouvant récit la force et la moralité allemandes, dédia ce roman du travail au grand-duc de Saxe-Cobourg-Gotha. L’Allemagne a lu ce beau livre avec un empressement sympathique, et en voyant ce cordial hommage rendu à l’un de ses princes elle a été fière de penser qu’elle possédait encore tant de ressources précieuses. Ce prince si noblement glorifié par M. Freytag, ce prince qui conseillait à l’écrivain de peindre l’Allemagne honnête, laborieuse, morale, de