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serait une garantie d’ordre public et de prospérité nationale. Comment ne pas se consoler toutefois ? Une administration paternelle tâche de se faire pardonner les tendances rétrogrades que j’ai dû signaler. Le roi Jean, qui a succédé à son frère au mois de juillet 1854, représente sur le trône la science et la moralité germaniques. Le studieux écrivain qui a donné sous le nom de Philaléthès une si estimable traduction, un si intelligent commentaire de la Divine Comédie, est le digne souverain de cette Saxe de tout temps si hospitalière pour les poètes et les artistes. C’est de Dresde et de Leipzig que sont sortis depuis quelques années les meilleurs travaux littéraires de l’Allemagne. Lorsque j’aurai à peindre la situation intellectuelle de ce grand pays, je parlerai plus longuement des hommes qui sont l’honneur de Leipzig et de Dresde ; citons au moins un esprit aussi élevé que pratique, M. Berthold Auerbach, qui, frayant une voie nouvelle à son talent, vient de se faire l’instituteur politique et moral de sa patrie dans un livre véritablement populaire que Franklin lui eût envié. Avec un roi si parfaitement initié aux travaux de l’intelligence, avec une population éclairée et libérale, il est impossible que l’action de tant d’écrivains éminens ne se fasse pas sentir jusque dans la politique. La Saxe aussi, comme la Bavière, comprendra qu’elle a fait fausse route en prêtant un appui si empressé au gouvernement des tsars. Un des hommes qui connaissent le mieux les affaires de l’Europe, M. de Seebach, gendre de M. de Nesselrode et ministre de Saxe à Paris, a effacé du moins certains souvenirs fâcheux en travaillant avec zèle au rétablissement de la paix. Ce n’est pas encore assez ; j’oserai répéter au ministère saxon ce que je disais tout à l’heure aux hommes d’état de la Bavière : Votre point d’appui n’est pas à Saint-Pétersbourg, mais dans le cœur même de l’Allemagne. Ne retirez pas ce qui a été légitimement acquis en 1848. Les peuples germaniques avaient désiré ardemment l’unité de la patrie ; dédommagez-les de leurs vains efforts en leur faisant apprécier les avantages d’une fédération qu’animent des rivalités fécondes. C’est ainsi que l’Autriche a compris sa tâche, et l’Autriche s’est renouvelée. Le concours est ouvert ; servez l’esprit moderne, l’esprit moderne vous le rendra au centuple.

Les mêmes conseils s’adressent aux états qui ont encore assez d’importance pour aspirer à un certain rôle dans la confédération. Je parle surtout ici du royaume de Wurtemberg, du royaume de Hanovre et du grand-duché de Bade. Le traité de Paris leur assure une situation plus libre et leur permet de poursuivre leur développement intérieur. J’ai pu voir avec quel sentiment de joie la paix a été accueillie en Allemagne ; cette paix du 30 mars 1856, qui est un bienfait pour le monde, ne devait-elle pas être deux fois plus précieuse encore au-delà du Rhin, puisqu’elle mettait fin, pour la nation allemande,