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exerçait une influence incontestable ; un tel homme devait servir utilement la politique saxonne, et M. de Beust ne négligea rien pour le gagner. Les négociations n’étaient pas difficiles. Les relations que la nature des choses établit entre la Bavière et la Saxe étaient comme personnifiées dans M. de Pfordten. Jurisconsulte savant, jadis privat-docent à Würzbourg, professeur de droit romain à l’université de Leipzig, M. de Pfordten avait trente-sept ans à peine, lorsque la révolution de 1848 le porta à une place supérieure dans le gouvernement de la Saxe. C’était au mois de mars ; l’agitation allait croissant, et le roi était obligé de demander ses conseillers à la démocratie. Parmi les hommes que lui désignait le vœu général, M. de Pfordten brillait au premier rang ; le jeune et ardent professeur de l’université de Leipzig, l’orateur véhément qui passionnait avec Robert Blum les sociétés populaires, fut chargé du ministère de l’instruction publique et des cultes. Nommé à ces fonctions le 16 mars, il les occupa pendant toute l’année 1848. J’ai dit que M. de Pfordten s’était converti sans peine à la monarchie constitutionnelle, mais tous ses collègues n’avaient pas suivi son exemple ; au mois de février 1849, le ministère saxon, composé d’élémens trop disparates et ne se sentant plus en mesure de dominer le péril, fit accepter sa démission au roi Frédéric-Auguste. Deux mois après, le roi de Bavière, Maximilien II, profitant de la retraite de M. de Pfordten, le rappelait dans son pays natal et lui confiait le ministère des relations extérieures. C’est ainsi que l’ami de Robert Blum passa presque sans transition des conseils du roi de Saxe aux conseils du roi de Bavière. L’ancien ministre saxon ne se fit pas faute d’annoncer une politique virile et féconde, assez pareille à celle dont le prince de Schwarzenberg s’était fait le promoteur en Autriche. Il voulait relever la dynastie des Wittelsbach, il voulait imprimer un vigoureux élan à la Bavière, ranimer par l’exemple le groupe des petits états, en former un faisceau, et obliger la Prusse et l’Autriche à compter avec eux. Unis déjà par tant de liens, associés spontanément à une œuvre commune, M. de Beust et M. de Pfordten n’eurent pas de peine à s’entendre.

Cette politique, dont il n’y aurait qu’à louer la sagesse et l’audace, si les faits eussent toujours répondu aux paroles, obtint plus d’une fois de légitimes succès. Le Wurtemberg, le Hanovre, le grand-duché de Bade, les Saxes ducales, se rallièrent bientôt à ces chefs résolus ; le groupe des états secondaires eut conscience de sa force. Pourquoi faut-il que cette force n’ait pas été toujours au service du droit ? M. de Pfordten, qui avait annoncé si hautement l’intention de maintenir l’indépendance de la Bavière en face des deux grandes puissances de l’Allemagne, eut le tort de subir l’impérieuse volonté du prince de Schwarzenberg au moment où le ministre autrichien, emporté