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prince de Schwarzenberg ; il la saisit avec l’impétuosité qui lui était propre, sans se demander de quel côté étaient le droit et la moralité. Il ne voyait dans tout cela qu’un moyen de relever l’Autriche et de faire reculer la Prusse. La diète de Francfort, présidée par un diplomate autrichien, ordonna à l’électeur de rentrer dans ses états ; fidèle exécuteur des volontés de la diète, le prince de Schwarzenberg jette une armée dans la Hesse, y entraîne l’armée bavaroise, et terrifie le cabinet de Berlin, qui s’empresse d’abandonner les Hessois. La Prusse craignit même de paraître exclue à son tour des affaires intérieures de l’Allemagne, et, n’osant venir en aide à ce vaillant peuple de Hesse, elle s’associa misérablement à ceux qui lui ramenaient ses despotes.

Telles étaient les impérieuses allures du prince de Schwarzenberg. L’homme qui n’avait pas hésité à protéger une injustice flagrante et à s’attirer les imprécations de l’Allemagne ne devait pas être moins ardent à relever sur tous les points l’influence autrichienne. Il faut se rappeler cette saisissante histoire, si l’on veut connaître sous toutes ses faces l’inflexible hardiesse du successeur de M. de Metternich. Ce qu’il avait fait contre la Prusse en marchant sur le corps de la Hesse, il l’aurait fait deux ans plus tard contre la Russie elle-même. Le bien et le mal, l’iniquité et le droit, tout disparaissait à ses yeux devant la restauration de la monarchie des Habsbourg ; salua populi suprema lex. Figurez-vous maintenant cette résolution impétueuse dans les circonstances où elle pourra légitimement s’exercer : quelle impulsion donnée aux services publics ! quel accord établi entre toutes les forces du pays ! Brillant gentilhomme, accoutumé jusque-là à une vie de luxe et de plaisir, c’est le prince de Schwarzenberg qui apprend à l’Autriche la vertu du travail. Les plus hauts dignitaires de l’état, l’empereur lui-même ont subi l’ascendant de cette activité infatigable. On sait que l’empereur : François-Joseph préside régulièrement le conseil, qu’il surveille de près les travaux de ses ministres, et que, donnant l’exemple du zèle, il s’est réservé pour lui-même le département de la guerre. Le prince de Schwarzenberg a fondé une école ; frappé d’une mort subite le 5 avril 1852, il s’en faut bien qu’il ait disparu tout entier ; tous les conseillers de la monarchie autrichienne sont aujourd’hui encore animés de son esprit.

Il en est un surtout qui a fait prospérer son héritage, et qui, joignant à son activité, à son patriotisme, une moralité supérieure et des lumières spéciales, tient dans ses mains, à l’heure qu’il est, la fortune de l’empire. J’ai nommé M. le baron de Bruck, ministre des finances. M. de Bruck est un des esprits les plus élevés et les plus patriotiques de l’Allemagne. Je parlais tout à l’heure des hommes