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de revenir à ce système de temporisation éternelle pratiqué pendant trente-sept ans par l’indolente et spirituelle, finesse du prince de Metternich.

L’ardeur du prince de Schwarzenberg était si impétueuse, qu’il ne reculait pas devant la violation du droit quand il s’agissait d’humilier l’orgueil de la Prusse. Au moment où je signale les services du prince de Schwarzenberg, je manquerais à mon devoir d’historien si je ne rappelais aussi avec quelle arrogance altière il brisait ce qui arrêtait sa marche. Les iniquités protégées par lui dans la Hesse électorale sont restées comme une tache sur sa mémoire. Un jour, au printemps de 1850, l’électeur de Hesse, décidé à décréter l’impôt lui-même sans le soumettre au vote de la chambre, cherche un ministre complaisant qui veuille bien signer ses ordonnances ; il n’en trouve pas dans la Hesse, mais il fait venir de Prusse un homme prêt à tous les rôles, qui avait subi la prison à Berlin pour je ne sais quelle accusation. Le prince Frédéric-Guillaume Ier, électeur de Hesse, est le fils de ce Guillaume II qui avait livré l’administration de ses états aux caprices d’une courtisane, et qui, en 1831, fut chassé avec elle. À l’arrivée du nouveau ministre, M. Hassenpflug, vous devinez l’indignation de ce peuple loyal et fier ; la résistance légale s’organise. La chambre refuse de voter un emprunt qu’on lui demande, et le ministre la dissout. Une nouvelle chambre refuse encore, elle est encore dissoute ; M. Hassenpflug se passera de l’assentiment du pays. Alors le peuple tout entier continue le rôle de la chambre ; l’administration, la magistrature, l’armée elle-même, refusent leur concours à l’audacieux ministre, et l’électeur, accompagné de son noble agent, est obligé de prendre la fuite devant cette pacifique insurrection. Certes, si jamais mouvement populaire fut légitime, c’est celui-là. Or c’était le moment où la Prusse, après avoir refusé l’empire d’Allemagne en 1849, essayait cependant de reprendre la première place en fondant une diète nouvelle, où son influence régnerait sans partage. Si la Prusse réussissait, l’Autriche était à peu près exclue de la confédération germanique. En face de cette diète nouvelle ; qui prenait le titre d’union restreinte, le prince Félix de Schwarzenberg venait de relever précipitamment l’ancienne diète de Francfort, supprimée depuis 1848. Quel était désormais le vrai pouvoir central de l’Allemagne ? Était-ce l’union restreinte ou la diète restaurée ? La question était pendante. L’Autriche avait déjà détaché de l’union restreinte plusieurs des petits états ; en détachant encore du faisceau prussien la Hesse électorale, elle déjouait les plans de son ennemie. Les Hessois invoquaient l’union restreinte ; l’électeur fugitif fit appel à l’Autriche, et demanda que l’affaire fût portée devant la diète de Francfort. L’occasion était belle pour le