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par le fait de la présence de l’Autriche à Milan et à Venise, mais encore par l’obligation où est la domination impériale de s’étendre au moins moralement, de s’imposer en quelque sorte aux états qui l’avoisinent, pour les rattacher à son système et les retenir dans son orbite. Les maîtres de la Lombardie ont même le malheur de n’être point essentiellement intéressés à un développement trop sensible des autres états, parce que la comparaison pourrait devenir un péril de plus. L’Autriche ne fait que se défendre elle-même quand elle va au secours des gouvernemens menacés, et en donnant ce secours elle acquiert un droit de conseil et d’intervention. Les Italiens le sentent bien, et dans leurs gouvernemens c’est l’Autriche qu’ils voient contraints de plier sous la force, ils se rejettent dans les conspirations occultes, et ils obligent un peu plus les gouvernemens à subir l’appui de la politique impériale, car, dans cet enchevêtrement singulier, si la domination étrangère soulève toutes les passions nationales ou révolutionnaires, la révolution, à son tour, favorise merveilleusement l’Autriche.

Tout cela est la triste conséquence d’une situation forcée. Mais enfin l’Autriche a ses possessions en Italie ; le fait existe, il se lie à tout un ordre général reconnu par tout le monde en Europe, et on n’espère point sans doute que les armes impériales céderont le terrain sans combat. Une occasion unique s’est offerte en 1848, lorsque les Autrichiens, dans un moment de détresse, offraient de se retirer de la Lombardie et de faire de Venise une autre Toscane avec un archiduc. On ne sut point saisir la fortune aux cheveux. Aujourd’hui, mettre en question la position de l’Autriche, ce serait évidemment l’affaire d’une guerre européenne, et sur ce point les Italiens ne peuvent avoir d’illusions : l’Europe n’est point disposée en ce moment à pousser ses sympathies pour eux jusqu’à faire la guerre, ni même jusqu’à la laisser naître sans son aveu ou à favoriser une agitation et des soulèvemens qui pourraient y conduire. Les discussions du parlement anglais ne laissent point subsister un doute à ce sujet, et lord Palmerston a clairement désavoué la pensée « d’entrer dans aucun projet secret pour révolutionner l’Italie et renverser les gouvernemens qui existent dans d’autres parties du pays. » Les sympathies aussi vives que méritées de l’Angleterre pour le Piémont se borneraient à le défendre s’il était attaqué ; elles n’iraient point jus qu’à l’aider « à entreprendre une croisade agressive contre un autre état. » Lord Palmerston, transportant même un peu ses impressions actuelles aux affaires d’autrefois, ne s’est point souvenu d’avoir jamais admis l’idée d’une séparation possible des couronnes de Sicile et de Naples. Que la politique de l’Angleterre n’ait point toujours été ce qu’elle est en ce moment, peu importe : elle est telle