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comme président du congrès, a évoqué les affaires d’Italie devant les plénipotentiaires réunis, qu’a-t-il fait ? Il a mis en regard l’intérêt européen et la situation de divers états de la péninsule. Il a montré la persistance d’un système excessif dans le royaume des Deux-Siciles et l’efficacité qu’aurait une politique plus douce. Il a rappelé ce double fait connu de tout le monde, la présence des français à Rome et la présence des Autrichiens dans les Légations, et il a rendu sensible la nécessité d’une pacification intérieure propre à affranchir les états de l’église de cette occupation étrangère. En un mot, pour les gouvernemens, la question italienne a ses conditions naturelles et ses limites. Il y a au contraire, on ne saurait le méconnaître, une autre question italienne, très vague, très indéfinie, où il y a place pour tous les griefs et toutes les plaintes, qui parcourt pour ainsi dire l’échelle de tous les désirs, de toutes les espérances, et même des rêves les plus chimériques. Pour les uns, c’est la destruction ou la transformation de la papauté ; pour d’autres, c’est l’unité de l’Italie. Pour ceux-ci, c’est la république ; pour ceux-là, c’est l’établissement d’institutions plus modérées. Tout se cache sous un seul mot, car si les Italiens s’entendent toujours sur certains points, ils sont malheureusement loin d’être d’accord sur le genre de soulagement auquel ils aspirent. Il s’ensuit que la politique européenne, la pensée des cabinets et l’opinion italienne, ou du moins une certaine opinion active, ardente et vague, ne suivent pas le même chemin. Il y a évidemment quelque inévitable malentendu. Si l’Europe reste sur son terrain, elle provoque d’amères déceptions au-delà des Alpes ; il en a toujours été ainsi. Si elle accepte la question italienne telle qu’elle cherche à s’imposer, elle peut compter sur la popularité, il est vrai ; mais aussi elle court le risque, beaucoup plus grand, de compromettre sa sécurité et son repos sans savoir où elle va et sans servir les vrais intérêts de la péninsule elle-même. À quoi cela tient-il, si ce n’est à ce mélange d’illusions et de besoins légitimes qui sont l’essence des affaires d’Italie ?

Rien n’est plus compliqué assurément que cet ensemble d’intérêts nationaux, religieux, moraux, politiques, qui se cachent sous ce mot de question italienne. Au fond, la péninsule italique souffre d’un mal invétéré, il n’y a point de doute à ce sujet. Elle souffre parce qu’elle est mécontente d’elle-même, ne pouvant atteindre aux destinées qu’elle poursuit. Son mal a un nom bien connu, il ne s’appelle pas réellement Pie IX ou Ferdinand II : c’est la domination étrangère, qui est une maladie de treize siècles, qui a porté bien des noms, et qui s’appelle aujourd’hui l’Autriche. L’Autriche est au-delà des Alpes, cela est vrai, et il serait préférable à coup sûr qu’elle n’y fût pas. Les inconvéniens de cette situation ne se manifestent pas seulement