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charpente calcaire formée de branches longues et grêles, et prennent les formes les plus bizarres, entre autres celles d’un chevalet de peintre ou d’une double échelle sans barreaux. Des cils vibratiles, tantôt couvrant les bras, tantôt disposés en houppes, servent à la locomotion de ces singuliers êtres, qui nagent vivement. Tous possèdent un appareil digestif complet, et entre autres un estomac gros et renflé. C’est sur les parois mêmes de ce dernier viscère et sur l’un des côtés que commence à se montrer le futur échinoderme. Chez les oursins et les ophiures, il apparaît sous la forme d’un disque circulaire aplati, qui semble se mouler sur l’estomac et l’enveloppe bientôt tout entier. En grandissant, ce disque prend un aspect rayonné ; peu à peu, les ambulacres, les piquans, se montrent ; puis la bouche s’ouvre au dehors, toujours sur le côté de la larve. Celle-ci est alors en partie résorbée et en partie laissée de côté quand le nouvel animal est complètement formé. Chez la plupart des astéries, les choses se passent à peu près de même ; mais chez d’autres, la larve (tornaria) est en entier absorbée par l’échinoderme qui a poussé à l’intérieur. Enfin, chez les holothuries, la couronne de tentacules naît bien sur l’estomac de la larve ; mais la plupart des organes de celle-ci sont directement utilisés, et, par une simple transformation, acquièrent leurs caractères définitifs.

Nous ne pouvons insister ici sur tout ce que ce mode de développement offre de remarquable. Bornons-nous aux considérations qui se rattachent immédiatement à notre sujet[1]. De l’œuf d’un oursin sort une espèce d’infusoire qui se métamorphose en pluteus. À l’intérieur de celui-ci germe un être de nature tout autre. Nous avons la deux générations bien distinctes produites par des procédés différens, quoique devant toutes deux leur existence à un seul germe primitif. Il y a donc généagénèse ; mais ce qui distingue ici ce phénomène, ce sont les emprunts que la seconde génération fait à la première. Dans toutes les espèces que nous avons étudiées précédemment, le bourgeon ne prend au parent que des matériaux de croissance ; il se fait nourrir, mais il tend de plus en plus à s’isoler. Que la chose se passe à l’extérieur, comme chez les polypes, ou à l’intérieur, comme chez les biphores, le phénomène reste le même. Chez les échinodermes au contraire, le bourgeon, en grandissant, englobe des organes tout faits et se les approprie. Dans son ensemble, l’animal pousse par généagénèse ; mais l’estomac chez les oursins et les

  1. Nous voulons pourtant signaler au moins ce fait si exceptionnel d’un animal destiné à devenir rayonné, et qui commence par se caractériser en animal bilatéral comme un annelé. C’est la seule exception connue à une règle d’embryogénie sur laquelle nous avons souvent insisté ici même, et surtout dans la livraison du 1er janvier 1847.