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que l’on trouve presque toujours en tête des naturalistes modernes quand il s’agit du monde marin, fit connaître le développement de deux astéries (asterias sanguinolenta et asteracantion Mulleri). Il vit ces échinodermes, par une exception bien rare chez des animaux aussi bas placés dans l’échelle, couver en quelque sorte leurs œufs. Il constata que la larve sortant de ceux-ci ressemble d’abord à un infusoire, et présente ensuite l’apparence d’un animal composé de deux moitiés latérales symétriques, lequel se transformait plus tard en rayonné[1]. Un peu après, le célèbre embryogéniste Baër appliquait aux oursins la fécondation artificielle, mais ne parvenait à saisir que les premiers temps du développement[2]. Presqu’à la même époque, deux Marseillais, MM. Dufossé[3] et Derbès[4], observaient chez les oursins à peu près les mêmes faits ; mais le second donnait des figures très différentes de celles de Saars. Deux naturalistes norvégiens, MM. Koren et Danielssen, reconnaissaient à cette époque la bipinnaire porte-étoile (bipinnaria asterigera) pour une phase du développement des véritables astéries[5]. Enfin l’illustre physiologiste de Berlin, Jean Müller, étudia en 1845 à Helgoland les animaux marins de la Mer du Nord, décrivit le plutée paradoxal (pluteus paradoxus), poursuivit ses recherches dans la Méditerranée et l’Adriatique, et commença en 1848 une série de publications qui ont ajouté un chapitre de plus à l’histoire du développement des êtres[6].

Comme presque tous ses prédécesseurs, Müller a vu les échinodermes pondre des œufs d’où sortent des larves ciliées[7]. D’abord ces larves sont sphériques, puis elles s’allongent, acquièrent une

  1. Mémoire sur le Développement des Astéries, traduit dans les Annales des Sciences naturelles, 1844.
  2. L’Institut, 1845.
  3. Observations sur le Développement des Oursins, dans les Annales des Sciences naturelles, 1847.
  4. Observations sur les Phénomènes qui accompagnent la formation de l’embryon chez l’oursin comestible, 1848, Annales des Sciences naturelles.
  5. Observations sur la Bipinnaria asterigera, imprimé en suédois en 1847, traduit la même année en français.
  6. Ueber die Larven und Métamorphose der Echinodermen. Six fascicules ont paru à divers intervalles. Ils ont été analysés avec beaucoup de soin par M. Dareste dans les Annales des Sciences naturelles, 1852,1853.
  7. Ce mode de reproduction n’est pourtant pas général dans la classe des échinodermes. Certaines espèces d’ophiures, animaux très voisins des astéries, sont ovovivipares. C’est là un fait dont je me suis assuré dès 1842 (Comptes-Rendus hebdomadaires de l’Académie des Sciences). J’ai retiré du ventre d’une seule mère jusqu’à six petits parfaitement formés, et qui, placés dans mes vases remplis d’eau de mer, y ont vécu comme s’ils étaient nés naturellement. Les travaux mêmes de mes confrères, qui ont rencontré des phénomènes si différens dans d’autres espèces, donnent, je crois, plus d’importance à cette observation.