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ces importantes conséquences, et l’on n’y voyait qu’une des grandes lois de la force vitale, laquelle a pu être traduite avec certitude depuis les travaux de M. Flourens par cette vérité : l’être vivant est indépendant de la matière qui constitue son corps et la force vitale y substitue continuellement des matériaux nouveaux, aux matériaux anciens. On trouve dans l’ouvrage de lord Brougham : dont j’ai parlé récemment[1] que pour cet esprit judicieux et profond le théorème physiologique démontré par M. Flourens est une vérité connue et admise sans restriction. Suivant lui, un homme peut à sa mort avoir usé vingt ou trente corps différens. J’abandonne aux métaphysiciens toutes les inductions qui résultent de ce fait relativement à l’immatérialité du principe de l’intelligence dans l’homme.

Un mot encore sur la nature vivante ; Si la vie de la plante est quelque chose d’indépendant de telle ou telle particule de la même matière et contient un principe tout à fait distinct, l’animal, par la volonté, l’instinct, le sentiment, contient un autre principe distinct lui-même de la vitalité organique, et l’homme, par son intelligence, son âme, principe encore tout à fait distinct, constitue un quatrième règne, assertion dont on m’a beaucoup loué et beaucoup blâmé, et qui ne m’appartient nullement, quoique je l’aie énoncée dès 1820 dans l’un des premiers numéros des Archives de Médecine, et en 1825 dans un discours de solennité publique.

Comme personne n’a étudié plus que M. Ville l’action de toutes les circonstances qui influent sur la vie et le développement de certaines classes d’êtres vivans, et que personne n’a mis en œuvre comme lui les moyens pratiques qui permettent de tenter de pareils essais, notre conférence fera comprendre ce qu’on peut espérer aujourd’hui touchant la possibilité de modifier les espèces actuelles et d’en produire d’autres, soit en revenant aux espèces passées qui ont existé, soit en essayant de produire des espèces qui n’ont point encore paru sur le globe. Je prie le lecteur de remarquer combien peu mon langage est, affirmatif et combien peu je désire faire prendre pour des idées arrêtées des considérations d’une nature malheureusement encore trop conjecturale.

Voici ma conférence avec M. Ville.

Demande. — Peut-on croire qu’il y ait une filiation non interrompue entre les espèces actuelles et les espèces passées ?

Réponse. — En nous en tenant aux faits, nous voyons nos espèces actuelles pendant leur développement embryonnaire reproduire sous nos yeux les formes des espèces fossiles et n’en différer qu’en ce point : à savoir que les espèces fossiles se sont arrêtées

  1. Voyez la Revue du 1er mai.