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corps, mais qui réduirait l’homme à une mort anticipée, en le condamnant à une sorte d’automatie imbécile qui ne lui permettrait de se préoccuper que de ce qui est bon ou nuisible à la santé. Cependant user, ce n’est pas abuser, et M. Flourens établit fort bien qu’en recherchant les avantages qui sont l’apanage de chaque période de la vie, il n’est guère d’âge qui ait quelque chose à envier à un autre âge. C’est surtout pour la vieillesse que l’auteur montre que l’homme est alors bien loin d’être déshérité, au physique et au moral, de tous les biens de la vie. Seulement il ne faut pas vouloir l’impossible, et, suivant le proverbe, « il faut chercher de l’eau dans son puits. »

Par de bonnes raisons physiologiques et anatomiques, M. Flourens prolonge, c’est son expression, la durée de la première enfance jusqu’à 10 ans. Il fixe le terme de l’adolescence à 20 ans, celui de la première jeunesse à 30, de la seconde jeunesse à 40 ans. Le premier âge viril va de 40 à 55, et le second de 55 à 70. L’âge viril est l’époque forte de la vie. À 70 ans commence la première vieillesse, qui s’étend jusqu’à 85 ans. À 85 ans commence la seconde et dernière vieillesse, dont le terme doit atteindre au moins le siècle entier. Les livres saints plus généreux, portent la limite de la vie à 120 ans. Erunt dies hominis centum viginti annorum.

Parmi les excellentes choses que contient le livre de M. Flourens se trouve cette remarque importante, que, tandis que l’on a beaucoup parlé de l’influence du physique sur le moral, on a oublié de mentionner l’influence non moins puissante du moral sur le physique. En ce sens, la culture intellectuelle, qui donne la santé morale, est une véritable hygiène pour le corps. Le secret des cures merveilleuses que font beaucoup de charlatans est évidemment dû à ce puissant antidote moral, l’espérance, qu’ils administrent si libéralement et à si grandes doses. Dans les crises épidémiques, la consternation générale et la dépression des forces vitales qui s’ensuit agissent d’une manière désastreuse sur les populations concentrées, en sorte qu’une partie notable de ceux qui succombent meurent, non pas du fléau, mais bien de la peur. En disant aux vieillards qu’ils doivent atteindre 100 ans, et aux centenaires qu’ils peuvent à toute force arriver à deux siècles, M. Flourens ôte à la vieillesse toute préoccupation de fatalité inévitable. La Fontaine a dit :

Est-il un seul moment
Qui vous puisse assurer d’un second seulement ?


M. Flourens dit bien plus sagement : Est-il un âge si avancé qui ne vous laisse l’espoir d’en atteindre un plus avancé encore ?

L’homme de toutes les nations, de toutes les races et de tous les climats possède le même degré de longévité : c’est un point que