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carrière de blocs de rochers unis et carrés, mesurant environ huit pouces d’épaisseur, et de grandeurs différentes. Quelques-uns, ayant dix pieds de long sur quatre de large, servirent de marches pour l’escalier ; d’autres, moins gros, furent employés pour les soubassemens et les fenêtres. En l’absence de machines, il fallut recourir aux systèmes les plus ingénieux. Quand la charrette, traînée par des bœufs, avait été amenée le plus près possible de ces énormes blocs, nous enlevions les roues, et la caisse de la charrette tombait à terre ; alors, armés de leviers en chêne, nous faisions glisser sur des rouleaux de bois les blocs jusque dans la charrette. Cette tâche accomplie, nous nous cramponnions à l’un des essieux pour l’enlever, et nous mettions une pierre dessous, puis nous passions à l’autre essieu pour y faire la même opération ; ensuite nous retournions au premier pour l’enlever de nouveau et placer dessous une seconde pierre ; nous en faisions autant au second essieu, et ainsi de suite, jusqu’à ce que les essieux se trouvassent à la hauteur voulue. Il était facile alors d’y faire rentrer les roues et de diriger le tout sur la ville. Une pierre d’un gris verdâtre, tendre et facile à tailler, nous servit à sculpter un écusson et des croix pour orner le haut du portail. Pour avoir de la chaux, nous allâmes, à la tête de huit ou neuf colons, dans une carrière de pierres calcaires, d’où il était aisé d’en extraire un grand nombre. On fit un grand amas de broussailles et d’arbres morts, on le couvrit d’une première couche de pierres calcaires, on accumula ensemble les branches et les pierres de façon à former une sorte de pyramide, puis on mit le feu au bois, et l’on s’en alla. Trois jours après, on revint, et l’on trouva près de quatre-vingts barils d’une chaux excellente.

Il était moins facile de se procurer du bois de construction. Dans ce pays, où les vents violens du nord sévissent chaque année, on trouve peu de grands arbres en bois dur qui soient parfaitement droits. On en rencontrait bien sur les bords de la Médina, mais la ils étaient propriétés particulières et avaient une certaine valeur vénale. Quant à ceux qui n’appartenaient à personne, il n’en restait guère, les colons les abattant pour en faire des planches, qu’ils allaient vendre à San-Antonio. Nous fûmes encore obligés de courir à la découverte dans les bois ; nous y trouvâmes huit chênes énormes, parfaitement droits jusqu’à une hauteur de trente pieds, ce qui faisait merveilleusement notre affaire. Ils furent abattus et placés sur la charrette par les mêmes procédés que les blocs de rocher ; ils devaient devenir des piliers et des supports pour le toit de la nef centrale. Plusieurs mesquites, de venue magnifique, servirent à la charpente des fenêtres ; c’est un bois pareil à l’acajou et dur comme la pierre. Des colons inoccupés se chargèrent de nous apporter tous