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navales, les souvenirs d’un vieux lieutenant de vaisseau, lequel s’efforça de ranimer dans ces derniers temps une industrie qui s’éteint, tout cela ne forme peut-être pas une des pages les moins intéressantes de l’histoire économique des Pays-Bas.


I

On n’a point assez recherché les causes qui ont donné naissance à la pêche de la baleine. Dès que les Provinces-Unies eurent secoué le joug de Philippe II, un esprit d’entreprise s’infiltra avec le sentiment de l’indépendance dans cette race industrieuse et virile. Il ne faut d’ailleurs point perdre de vue qu’on était alors dans le siècle des grandes découvertes maritimes. La Néerlande aborda vaillamment la voie des eaux, qui devait conduire l’esprit humain à la connaissance du globe terrestre. Un intérêt matériel se combinait avec cette impulsion morale ; il s’agissait surtout pour les Pays-Bas de disputer aux autres nations européennes le commerce de l’Orient. On avait alors quelques raisons de croire qu’il existait un passage conduisant par le pôle boréal aux Indes et à la Chine. Ce passage aurait été encore plus avantageux aux Hollandais qu’à la plupart des autres nations de l’Europe, à cause de leur position géographique dans la Mer du Nord. En vue de cette découverte, les Provinces-Unies équipèrent en 1594 quatre vaisseaux qui prirent le chemin des glaces. Une partie de l’expédition, sous les ordres de Cornelis Cornelisen, passa le détroit de Waigatz, et s’avança environ à une quarantaine de lieues dans la direction de l’est ; puis, trouvant la mer libre et ouverte, elle s’abandonna si promptement à l’espérance du succès, qu’au lieu de poursuivre sa découverte, elle opéra son retour, annonçant que l’existence d’une communication entre les mers du pôle et les mers de l’Inde était probable. L’autre partie de l’expédition, sous les ordres de Willem Barendz, un des meilleurs pilotes de la Hollande, croisa dans la Mer-Blanche et aperçut la côte occidentale de la Nouvelle-Zemble. On aime à retrouver dans la bouche de ces rudes matelots et sur ces vagues désolées un souvenir de la mère-patrie. « Nous jetâmes l’ancre dans une baie à laquelle nous donnâmes le nom de Lomsbay ; c’est ainsi que nous appelons en Hollande une espèce de pingouins qui se rencontrent la en grande quantité[1]. » Cependant la saison

  1. L’historien de ce voyage est un homme de mer, Gerrit de Veer. Il dit naïvement ce que lui et ses compagnons ont vu, ce qu’ils ont fait. Les journaux de navigateurs, les récits d’expéditions lointaines constituent une des branches les plus curieuses et les plus ignorées de la littérature néerlandaise. Deux hommes de mérite, M. Bennett, officier de marine, et M. van Wyck, auteur d’un dictionnaire géographique, avaient entrepris de réimprimer intégralement les relations des anciens voyages. La mort prématurée de M. Bennett a interrompu cette utile publication. On doit aussi à M. van Wyck et à M. le professeur Moll, d’Utrecht, de savantes études sur les découvertes géographiques des Hollandais et sur plusieurs des premières expéditions nationales.