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installé sur les lieux mêmes pour en donner à la fois une description et une reproduction complètes ; il y passa près de douze années, et le magnifique ouvrage qu’il achève en ce moment est le résultat de cette courageuse entreprise. Quand les premières livraisons parurent en 1828, Goethe les salua d’un cri d’enthousiasme. Après avoir appelé l’attention de Weimar, de Berlin, d’Iéna, de toute l’Allemagne du nord, sur l’ouvrage de M. Zahn, deux ans plus tard il en rendit compte dans les annales de Vienne, et les encouragemens qu’il prodigua à l’auteur n’ont pas médiocrement contribué à le soutenir au milieu des difficultés de sa tâche. C’est même là un des derniers sujets qui aient passionné la vieillesse du grand écrivain. La collection des lettres qu’il a écrites à M. Zahn formerait un volume. La dernière qu’il ait tracée de sa main, douze jours avant de mourir, le 10 mars 1832, est adressée à Naples au docte et habile auteur des Peintures de Pompéi.

L’ouvrage de M. Zahn porte ce titre : Les plus beaux ornemens et les plus remarquables peintures de Pompéi, d’Herculanum et de Stabiœ, avec des esquisses et des vues[1]. M. Zahn est à la fois un archéologue et un peintre ; ces vivantes copies de l’art antique sont accompagnées d’un texte, rédigé en allemand ou en français, qui en explique le sens et en apprécie la valeur. De plus, ce peintre, cet archéologue est un esprit inventif et plein de ressources. Pour reproduire avec leur caractère original les peintures de Pompéi, il a imaginé un système d’impression en couleur qui excite encore, après de longues années, la surprise et l’admiration de tous les jugés compétens. M. Alexandre de Humboldt, appréciateur si délicat de toutes les œuvres de l’esprit, a pris plaisir à patroner l’invention de M. Zahn, à en faire valoir l’originalité et l’importance ; notre Académie des Beaux-Arts s’en est occupée aussi, à plusieurs reprises, et a donné à l’auteur de précieux témoignages de sympathie. M. Zahn a divisé son œuvre en trois grandes parties, dont la dernière s’achève en ce moment même. La première, contenant une centaine de planches coloriées, a paru de 1828 à 1829, la seconde de 1841 à 1845 ; la troisième, commencée en 1848, est déjà riche de livraisons pleines d’intérêt, et sera terminée avant deux ans.

Quand on parcourt l’ouvrage de M. Zahn, on comprend l’enthousiasme de Goethe ; il est impossible de ne pas être frappé de la beauté, de la grandeur, de la majesté idéale des tableaux reproduits par l’auteur. Cette peinture romaine que nous connaissons si peu nous apparaît ici avec de merveilleuses richesses. C’est tout un musée, par conséquent toute une révélation. Une telle œuvre a sa place marquée dans toutes les grandes bibliothèques. Des publications si considérables, malgré l’intérêt qu’elles excitent, ne peuvent prétendre à une popularité immédiate ; tôt ou tard cependant, elles finissent par pénétrer dans le public, et le succès matériel vient couronner le succès moral. Il en sera ainsi des Peintures de Pompéi et de Stabiœ. L’œuvre qui a enchanté la vieillesse de Goethe, et que M. Alexandre de Humboldt a signalée comme une merveille d’industrie, a plus d’un moyen de séduction auprès des intelligences d’élite ; elle propose aux historiens de l’art les plus curieux problèmes, elle offre à l’artiste des types inattendus, à l’archéologue

  1. Die schönslen Ornamente und merkwurdigsten Gemälde aus Pompeji, Herculanum und Stabiœ, nebst einigen Grundrissen und Ansichten, von Wilhelm Zahn. — Chez Dietrich Reimer, à Berlin. 1828-1856.