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rang que la littérature esthétique a su conserver dans la capitale de la Prusse. À côté de ces publications, ou pour mieux dire au milieu de ce mouvement d’études, il y avait place pour un recueil qui en fût l’interprète auprès du public d’Allemagne. Un jeune et habile écrivain, M. le docteur Max Schasler, très familiarisé avec l’histoire de la peinture, très bien informé de tout ce qui intéresse les écoles contemporaines, a eu l’ambition de remplir ce rôle, et la publication périodique qu’il vient de fonder mérite d’être signalée à l’attention des esprits élevés.

L’absence d’unité politique, si funeste à l’Allemagne à l’heure des grandes crises européennes, lui assure du moins de précieux dédommagemens dans le domaine de l’intelligence. Grâce à la constitution du pays, il n’y a pas de ville un peu importante qui ne possède des artistes supérieurs, il n’y en a pas qui ne soit le théâtre d’un mouvement original. Malheureusement ces artistes sont trop isolés, trop étrangers les uns aux autres, les écoles ne se renouvellent pas par l’échange des inspirations ou la lutte des principes ; sur tout le public n’est pas suffisamment initié aux efforts des maîtres et des élèves, et quand une grande occasion se présente de produire aux yeux du monde entier les travaux de l’art allemand, l’Allemagne semble prise au dépourvu. N’est-ce pas là ce qu’on a vu l’an dernier à l’exposition universelle des beaux-arts ? S’il y avait eu alors à Berlin ou à Munich un journal influent chargé de stimuler les artistes, si quelque voix autorisée eût fait entendre dans les ateliers des paroles d’encouragement ou de reproche, on peut affirmer que l’exposition allemande aurait produit de tout autres résultats. Les Dioscures, — c’est le nom du recueil fondé par M. Schasler[1], — rempliront ce salutaire office. Ce recueil se donne pour mission de rapprocher les écoles, de confronter les œuvres, d’appeler l’attention du public sur les travaux éminens, de mettre en lumière les richesses ignorées, en un mot de ranimer la vie dans le domaine des arts. Il promet aussi de s’occuper de l’industrie et de ses rapports avec les arts du dessin ; ces rapports deviennent plus importans chaque jour. Que de questions à résoudre ! que d’utiles indications à donner ! L’industrie et le public lui-même n’ont-ils pas besoin d’une direction constante ? Cette direction féconde, les Dioscures s’efforceront de l’imprimer aux esprits, et l’on ne peut qu’applaudir au zèle de l’écrivain qui se charge d’une pareille tâche. La publication de M. Schasler compte déjà quelques livraisons. C’est un début sérieux et brillant. M. Schasler est secondé par des collaborateurs habiles. Qu’il poursuive son œuvre avec le même talent, la même conscience, le même amour du vrai et du beau, et nous ne doutons pas que les Dioscures ne prennent bientôt un rang élevé dans la presse germanique.

Puisque nous parlons de la littérature esthétique de Berlin, signalons aussi aux architectes, aux archéologues, aux historiens, à tous ceux que les problèmes de l’art et de l’antiquité intéressent, les dernières publications de M. Wilhelm Zahn. Il y a bientôt trente ans que M. Zahn a entrepris un immense travail sur les peintures de Pompéi, d’Herculanum et de Stabies. Jeune alors et dans toute l’ardeur de la science et du talent, M. Zahn s’était

  1. Die Dioskuren. Zeitschrift fur Kunst, Kunstinduslrie, und kunstlerisches Leben, von Dr Max Schasler. Berlin, 1856.