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la guerre et avoir reconnu leur impuissance, les deux fractions de la république en étaient venues l’an dernier à signer des traités d’amitié qui rétablissaient leurs rapports dans des conditions favorables. Cet arrangement provisoire avait conduit pu de temps après à une tentative de rapprochement complet. Il y a quelques mois en effet, le gouvernement de Buenos-Ayres chargeait M. Peña d’une mission de conciliation auprès du général Urquiza. Il s’agissait de négocier la rentrée de la province dissidente dans la confédération. Malheureusement cette négociation n’a conduit à rien ; elle n’a eu d’autre résultat que de montrer la difficulté de s’entendre sur les conditions d’une fusion nouvelle, et le colonel Mitre, à la tête de quelques troupes, ayant violé le territoire de l’une des provinces confédérées, le général Urquiza en a profité pour dénoncer les traités de décembre 1854 et du 8 janvier 1855. La mésintelligence est donc redevenue complète. S’ensuivra-t-il une rupture accompagnée d’hostilités nouvelles ? Si de part ou d’autre on en avait la puissance, ce ne serait guère douteux. Heureusement les deux parties sont arrivées à se convaincre qu’elles ne peuvent se soumettre mutuellement. Il en résulte un état de malveillance permanente, où Buenos-Ayres et la confédération prospèrent néanmoins. À Buenos-Ayres, il y a un progrès matériel très sensible. Le mouvement du port s’accroit tous les jours, l’immigration se développe. La confédération, de son côté, suit la même voie de développement. Les affaires prennent une assez grande activité. Cette solidarité d’intérêts, de fortune, est ce qui reliera inévitablement les deux parties de la république argentine. C’est l’œuvre des hommes sages de Buenos-Ayres de réprimer ces passions violentes qui se font jour dans la presse, et qui entretiennent les animosités entre les provinces d’un même pays, lorsqu’il faudrait les apaiser au contraire et effacer les traces d’anciennes discordes, toujours sur le point de renaître.

Le Brésil vient récemment de signer un traité avec le général Urquiza. Le cabinet de Rio-Janeiro est sans cesse occupé à attester son influence dans le Rio de la Plata soit par des transactions diplomatiques, soit par des expéditions comme celle du Paraguay, soit par des interventions comme celle qui a eu lieu à Montevideo, et qui a maintenant cessé. C’est une partie de sa politique. Le jeune empire américain a été, il y a peu de temps, l’objet d’un livre publié par M. Charles Reybaud sous ce titre : Le Brésil. L’histoire, la géographie la constitution, la situation intérieure et extérieure du pays, l’auteur s’est proposé de tout analyser. S’il avait décrit les ressources immenses du Brésil, s’il avait exposé simplement ses besoins, ses efforts, ses progrès réels, il aurait fait une œuvre utile ; par malheur il ne s’est point aperçu qu’une étude perdait de sa sévérité et de son autorité en devenant une apologie permanente. M. Reybaud admire tout, ce qui est un peu trop vertement la leçon à l’Annuaire des Deux Mondes, pour ses jugemens ou ses conjectures moins enthousiastes, quoique sympathiques, sur la politique brésilienne et sur ses ambitions. Si l’auteur ne connaît pas les faits qu’il trouve étranges, c’est qu’il ne les a pas cherchés sans doute là où ils étaient, et s’il ne voit que désintéressement et spontanéité dans l’intervention du Brésil à Montevideo et dans la retraite des forces impériales, cela prouve encore qu’il n’a pas su tous les détails des événemens qu’il raconte.