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laisser leurs nationaux sans défense. Telle a été longtemps aussi la condition des républiques du Rio de la Plata. Il n’en est plus de même heureusement aujourd’hui ; mais ces états sont-ils parvenus enfin à s’organiser, à s’affermir ? Il y a évidemment beaucoup d’efforts, neutralisés par beaucoup de passions, et couronnés de peu de succès. Un événement récent, par la manière dont il s’était accompli, semblait promettre un peu de paix à l’état oriental. L’élection d’un nouveau président de M. Pereira, s’était faite à l’unanimité. Les partis s’étaient mis d’accord ; on ne parlait plus que de conciliation, selon habitude. Bientôt cependant un conflit éclatait entre le président de la république et la chambre des représentans. Ce n’était rien encore : peu de jours après, une bande armée envahissait l’assemblée et s’acharnait contre quelques députés, dont l’un, M. Torrès, exilé il y a quelque temps, venait de reprendre son siège. Tout cela s’accomplissait, à ce qu’il paraît, avec des acclamations en faveur du général Oribe et du général Florès, qui sont ligués aujourd’hui, quoique se tenant à côté de la scène. Dans tous les cas, le chef de la police, singulièrement compromis par son inaction, sinon par sa complicité dans ces violences, était révoqué par le président, qui publiait aussitôt une proclamation très rassurante. Seulement le nouveau chef de la police déclarait, deux jours après, qu’il n’y avait aucun indice au sujet des auteurs de l’invasion de l’assemblée, et tout cela aboutissait à la découverte d’une conspiration qui amenait le bannissement de quelques personnes, notamment du général César Diaz, après quoi la concorde était rétablie.

Il n’en faut pas beaucoup à Montevideo pour croire au rétablissement de la paix. Les choses ne se passent point ainsi de l’autre côté de la Plata, à Buenos-Ayres. D’étranges violences toutefois ont signalé des élections qui ont eu lieu à la fin de mars pour le renouvellement partiel du sénat et de la chambre des représentans. Une circonstance particulière rendait cette lutte plus vive. C’est de la composition nouvelle du sénat et de la chambre des représentans que dépendra l’élection prochaine du gouverneur. Or il y a déjà des candidats divers. Le parti le plus ardent, le plus exalté, soutient d’avance le ministre actuel de la guerre, le colonel Mitre, homme d’esprit, mais de fort peu de mesure, qui écrivait, il y a quelques années, des articles à peu près socialistes, et qui serait peut-être capable de les écrire encore. Les hommes plus sensés de Buenos-Ayres semblent disposés à appuyer la candidature de M. Peña, ancien ministre, dont le caractère offre des garanties de prudence. Ce qui a été déployé de violences, d’invectives dans cette lutte, il serait difficile de l’imaginer. Les journaux, qui sont nombreux à Buenos-Ayres, se sont livrés à tous les emportemens de la polémique personnelle, et ces excès mômes ne font que rendre plus sensible la modération éclairée de quelques écrivains, dont l’un, M. Félix Frias, est un esprit des plus remarquables. En définitive, c’est la cause modérée qui a triomphé, et ce résultat a surtout cela d’utile qu’il peut contribuer à faire prévaloir une politique sage et conciliante dans les relations de Buenos-Ayres avec le reste de la Confédération Argentine. La scission entre la province de Buenos-Ayres et la confédération, dont le général Urquiza est le président, dure depuis quelques années déjà, comme on sait. Pourtant, après s’être fait mutuellement