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Ostensiblement elle affecte un grand attachement au principe de l’autorité royale. Le secret de cette attitude, c’est le mécontentement de la constitution commune, de la loi d’élection pour le conseil suprême de la part de représentation attribuée au Holstein, c’est surtout l’irritation profonde et toute personnelle contre le ministre actuel du Holstein, M. de Scheele, qui travaille à la réforme judiciaire et administrative dans un esprit libéral, par cela même contraire à l’ancien régime des prérogatives féodales et des privilèges aristocratiques. Plusieurs membres de cette fraction ont débuté par protester contre leur propre élection, en s’élevant contre la loi sous l’empire de laquelle ils ont été nommés. Peu après, onze députés allemands du Holstein, du Lauenbourg et du Slesvig ont pris l’initiative d’une motion tendant à supplier le roi de faire convoquer les états provinciaux des duchés, d’appeler ces états à délibérer sur la constitution commune et sur la loi d’élection, afin que ces délibérations, soumises au conseil suprême, pussent devenir le point de départ d’une révision radicale de l’organisation politique actuelle. Dans tout cela, il faut le dire, il n’était point tenu grand compte du royaume proprement dit et de l’assemblée législative danoise. Les auteurs de la motion parlaient au nom des duchés en revendiquant pour eux le droit d’être consultés sur la constitution de l’état, et ils réclamaient cette satisfaction comme une mesure d’équité et de conciliation. En un mot, c’était tout remettre en doute. Cette proposition a été dans le conseil suprême l’objet d’une longue et sérieuse discussion, à laquelle ont pris part les orateurs les plus distingués. Des deux côtés, on s’est appliqué à observer les convenances parlementaires les plus parfaites. En définitive, la motion a été rejetée comme impolitique, intempestive et impraticable, comme étant de nature en outre à replonger le pays dans des perturbations nouvelles à une époque ou il ne s’agit plus que de retrouver le repos dans une organisation désormais fixée et irrévocable. Les auteurs de la proposition n’ont plus eu d’autre ressource que de reparaître le lendemain avec une protestation destinée à réserver les droits des duchés. Cette discussion, qui a été une sorte de lutte pacifique, une affaire de parti entre le royaume et les duchés allemands, ne sera point peut-être sans quelque conséquence utile. Bien des points essentiels ont été éclairés : on s’est prononcé sérieusement, dignement et librement de côté et d’autre. Il peut en résulter un rapprochement salutaire pour le pays, pour les deux nationalités qui se sont trouvées en présence et pour leur commun avenir. Depuis ce moment, le conseil suprême a continué ses travaux. Il a visiblement pris sa tâche au sérieux, et il la remplit avec indépendance, si bien qu’à la suite d’un vote qui réduit le budget de la guerre et a pour but de ramener les forces militaires à l’état de paix, le ministre de la guerre, M. de Luttichaw, a donné sa démission. Ce n’est la au reste vraisemblablement qu’un incident préliminaire de la reconstitution du ministère danois, qui est resté incomplet depuis quelque temps.

Deux affaires surtout, l’une remontant à quelque temps déjà, l’autre toute récente, résument pour le moment, au point de vue politique, les rapports de l’Europe et de l’Amérique, et, par une coïncidence singulière, ce sont des querelles en quelque sorte intestines entre peuples de même race, entre deux