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ne le dit dans le gouvernement pontifical. Sait-on quelle est la part des ecclésiastiques dans l’administration romaine ? Dans les Légations et dans les dix-huit provinces, il y a quinze prêtres, qui sont les délégats. Tous les autres employés de l’ordre civil ou de l’ordre Judiciaire sont laïques ; ils sont au nombre de 2,313. À Rome, la proportion change un peu, parce que l’arrondissement où siège le souverain pontife est sous un régime particulier. Le nombre des prêtres reste cependant encore grandement restreint. Dans la secrétairerie d’état, il y a 5 ecclésiastiques et 19 laïques ; aux finances, il y a 2,017 laïques contre 3 ecclésiastiques ; à l’intérieur, la proportion est de 1,411 à 22, à la justice de 927 à 59. Il en est partout de même. L’administration romaine ne compte en réalité que 98 ecclésiastiques contre 5,059 laïques. Une des causes habituelles d’erreur, c’est de compter les prélats parmi les ecclésiastiques. Les prélats ne sont nullement prêtres ; ils peuvent se marier demain, s’ils le veulent ; ils sont placés ordinairement dans les tribunaux supérieurs, pour s’accoutumer aux affaires administratives. Les prélats ont été justement à l’origine un commencement de la sécularisation, qui s’est surtout développée dans ces dernières années. Sous ce rapport donc, s’il reste beaucoup à réformer encore dans l’administration romaine, la sécularisation n’est point du moins aussi nouvelle qu’on le croit. Il y a vingt-cinq ans, on le sait, les puissances européennes, frappées de ce qu’il y avait déjà de critique et de menaçant dans la situation des états de l’église, présentèrent au pape Grégoire XVI un plan d’innovations sages, mesurées et praticables. Ces réformes ne furent point accomplies alors. C’est le nouveau pape, c’est Pie IX, qui a réalisé à un certain degré cette prévoyante pensée. Il ne faut rien exagérer sans doute : le pontife actuel n’a point rétabli un régime constitutionnel après l’expérience de 1848 ; mais le motu-proprio de 1850 et les mesures qui en ont été la suite, ont introduit des modifications profondes dans l’organisation des états pontificaux. Des municipalités ont été créées dans les communes, des conseils provinciaux ont été formés ; la consulte d’état pour les finances se réunit chaque année. Oui, ces réformes existent, et elles ont leur valeur. Sait-on seulement la dernière réforme qui reste à accomplir ? Celle-là n’est pas la moindre, elle consiste à faire de ces institutions une réalité, à les respecter, à en observer les prescriptions dans la pratique, car c’est une habitude malheureusement trop fréquente dans les États-Romains, chez les gouvernans et chez les gouvernés, d’éluder la loi le plus qu’on peut pour se faire une jurisprudence commode dont chacun reste le maître. Mais ces réformes prissent-elles un caractère assuré et permanent, fussent-elles complétées par le conseil des puissances européennes, seraient-elles un remède au malaise de l’Italie ? Répondraient-elles aux vues secrètes de tous ceux qui concentrent en quelque sorte toutes leurs pensées d’agitation dans cette question ? C’est là ce qui est douteux.

Un autre expédient plus direct, plus radical, a été présenté, comme on sait, dans le congrès de Paris. Il consistait à séparer les Légations du reste des États-Romains, et à les ériger en principauté semi-indépendante avec un chef nommé pour dix ans, avec une administration propre et une armée nationale. M. de Cavour, en faisant cette proposition, ne tenait pas évidem-