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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.


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31 mai 1856

Dans les affaires du monde, il y a les complications réelles, immédiates, forcément inhérentes à une situation, et il y a les difficultés qu’on pourrait appeler l’œuvre de l’imagination, qui tiennent à une certaine surexcitation de l’opinion, souvent à des illusions déçues. Quelle est la part des complications réelles ? Quelle est aussi la part des difficultés imaginaires, ou du moins exagérées ? La paix diplomatique, la paix d’Orient, si l’on peut ainsi parler, est heureusement rétablie aujourd’hui ; la paix morale, la paix européenne existe-t-elle au même degré ? C’est la question qui se fait jour naturellement à travers les symptômes et les incidens les plus actuels. Nous sommes en effet au lendemain d’une guerre qui a soulevé ou laissé entrevoir les plus grands problèmes, et qui a été l’épreuve de toutes les politiques. Chaque puissance a un système à adopter, une marche nouvelle à se proposer ; les positions ont à se dessiner et à s’avouer : il y a pour tout le monde un premier pas à faire dans la voie qui vient de s’ouvrir. De là cette tension des esprits, ardemment et incessamment occupés à rechercher le sens des moindres faits et des moindres démarches. Si l’on examine bien, ces préoccupations se concentrent principalement aujourd’hui sur deux points, le traité du 15 avril et les affaires d’Italie, qui, après les affaires d’Orient, restent la plus sérieuse, la plus pressante question pour l’Europe. Le traité du 15 avril 1856, on ne saurait le nier, a été jeté assez inopinément dans le public. Avant qu’on sût qu’il fût négocié, il était divulgué par le gouvernement anglais, et nul acte diplomatique certainement n’a été interrogé avec plus de curiosité dans sa pensée secrète comme dans ses résultats possibles. En lui-même, le traité du 15 avril n’a rien de mystérieux ni de surprenant. Il est la conséquence de l’union antérieure de la France, de l’Angleterre et de l’Autriche ; il est le complément de la paix ; il place sous une garantie, sinon plus précise et plus haute, du moins plus particulière, les stipulations signées le 30 mars par toutes les puissan-