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aurait commanditées, vente si facile et si fructueuse, — il le reconnaissait lui-même dans le dernier rapport de M. Isaac Pereire, — avec les avides débouchés qu’offrent aux valeurs les grandes bourses européennes, aucune de ses fonctions utiles n’en serait ralentie ou entravée. Ce ne sont pas ses opérations de bourse qui le mettent en état de faire des reports, d’avancer les versemens appelés sur les actions ou les obligations de certaines compagnies, d’être, pour les compagnies qui forment sa clientèle, comme le disait aussi M. Isaac Pereire dans un de ses rapports, ce que la caisse des dépôts et consignations est pour les départemens et pour les communes. Le Crédit mobilier ne sacrifierait à cela qu’une chose, l’exagération de ses profits et la faveur de spéculation que ses dividendes attirent à ses actions. Quand on se compare soi-même à la caisse des dépôts et consignations, est-on bien venu à lier partie avec la spéculation, et à chercher des bénéfices à travers les variations prévues des cours ? Nous savons, il est vrai, qu’en faveur des aspirations de son système et de celle de ses opérations que nous critiquons, la société générale peut invoquer ses statuts, qui sont aussi bien la charte de ses droits que la loi de ses devoirs ; mais, sans parler de ce qu’il pouvait y avoir d’obscur sur la portée d’une institution si nouvelle, et sur laquelle on n’avait pu rien apprendre encore de l’expérience au moment où ses statuts ont été approuvés, il n’est point de lois de ce genre dont l’application se puisse dérober à la discussion et au contrôle de l’opinion publique. Les sociétés anonymes sont particulièrement soumises à cette surveillance de l’opinion. Quant à nous, nous n’en appelons point à une autre autorité. Pour engager la société générale de Crédit mobilier à ne point profiter de toutes les prérogatives que ses statuts lui confèrent et à user de quelques-unes avec plus de modération qu’elle ne l’a fait jusqu’à présent, nous n’invoquerons pas d’autre influence que celle de l’opinion éclairée sur la haute et consciencieuse intelligence de ses directeurs.


EUGENE FORCADE.