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l’importance de son capital et de ses comptes courans ; elle l’a fait aussi avec la confiance et la hardiesse que peut inspirer à un établissement de ce genre la responsabilité limitée de la société anonyme. En somme donc et en comparant sa théorie à sa pratique, quel jugement faut-il porter sur cette active et puissante institution ? Quoique les élémens d’une telle appréciation soient très complexes, nous essaierons de résumer brièvement la conclusion à la quelle doit conduire, à notre avis, l’examen attentif de la société générale de Crédit mobilier.

Ceux qui nous ont suivi dans cette longue analyse auront remarqué que les deux tendances de la société générale que nous avons cru devoir signaler comme dangereuses, l’une qui ressort de son système, l’autre qui se révèle dans sa pratique, peuvent se réduire à une espèce de dilemme que le Crédit mobilier semble poser en ces termes : Ou laissez-moi atteindre à tous les développemens que comportent mes statuts, permettez-moi, par des augmentations de capital et des émissions d’obligations indéfinies, de consolider en un fonds commun les titres des diverses entreprises créées par la commandite, ou laissez-moi recueillir des différences par les transformations incessantes de mes placemens sur le marché des valeurs, car ces placemens n’auront un caractère définitif que lorsque j’aurai atteint le complet développement de mes statuts. — Nous repoussons, quant à nous, les deux alternatives de ce dilemme : la première, celle qui relève de la théorie du Crédit mobilier, parce qu’elle aboutit à l’absorption dans un établissement unique du crédit commanditaire, c’est-à-dire à une espèce d’oligarchie et de communisme industriels ; la seconde, parce qu’elle donne à la spéculation des ex citations et des exemples qui ne sont point compatibles avec une institution anonyme, c’est-à-dire, dans l’état actuel de notre législation, privilégiée et revêtue en quelque sorte d’un caractère public.

Nous craignons d’autant moins d’insister sur la nécessité de ramener dans de plus étroites limites le système et les opérations du Crédit mobilier, que plus nous y réfléchissons, et plus nous demeurons convaincu que cette modération assurerait davantage, au lieu de les restreindre et de les compromettre, les services réels et sérieux que le Crédit mobilier a rendus et peut rendre encore au mouvement de notre grande industrie. Ce que peut faire le Crédit mobilier sans émission d’obligations, on l’a vu ; en abandonnant l’idée de consolider par ses obligations les titres des entreprises, le Crédit mobilier ne renoncerait donc qu’à une ambition périlleuse et probablement à une chimère. De même, s’il restreignait ses opérations sur les valeurs à la vente graduelle des titres des entreprises qu’il