Page:Revue des Deux Mondes - 1856 - tome 3.djvu/632

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

chercher à justifier ce genre d’opérations, dans son rapport de 1854, par les explications suivantes : « Nous avons dû apporter une extrême circonspection dans nos placemens, et notre préoccupation constante a été soit d’améliorer les conditions de ces placements par des opérations d’arbitrage, soit d’éviter que leur valeur se trouvât diminuée sous la double influence des événemens politiques qui se préparaient à l’extérieur et des craintes que faisait concevoir la récolte. Le résultat définitif des opérations du Crédit mobilier, lorsqu’il aura pris tous les développemens prévus par nos statuts, se résumera, en dehors du revenu de notre capital, dans une différence d’intérêt entre la somme de ses emprunts et la somme de ses placemens. Parvenus à ce point, les variations des cours nous seraient jusqu’à un certain point indifférentes, puisque nos bénéfices se trouveraient basés sur des revenus et non sur des oscillations de capital ; mais, avant que cet état de choses ait pu se réaliser, nous ne pouvions négliger de recueillir les différences qui se présentaient sur des placemens qui n’avaient point encore de caractère définitif. » Traduites en langage vulgaire, ces explications signifient que, tant que la société n’aura pas donné à ses opérations tous les développemens prévus par les statuts, c’est-à-dire tant qu’elle n’aura pas émis assez d’obligations pour pouvoir racheter et consolider les titres particuliers des entreprises diverses, sa préoccupation constante sera — soit d’améliorer la condition de ses placemens par des opérations d’arbitrage, c’est-à-dire en vendant les valeurs qui lui paraîtront devoir être affectées par la baisse, et en achetant en égale proportion les valeurs qui lui paraîtront susceptibles de hausse, — soit d’éviter que la valeur de ses placemens se trouve diminuée sous la double influence des circonstances politiques et financières, en réalisant à propos son portefeuille. Tant que l’application des statuts ne sera pas complétée (et, en discutant les obligations du Crédit mobilier, nous avons vu qu’elle ne le sera jamais), la société générale ne négligera pas de recueillir les différences qui se présenteront sur des placemens qui ne seront jamais définitifs, c’est-à-dire poursuivra les bénéfices que le commerce des valeurs offre à la spéculation au moyen des alternatives, habilement saisies de la hausse et de la baisse. L’aveu ne saurait être plus complet ; mais l’étrange destination donnée à une société anonyme que de la vouer au trafic des valeurs et de lier son action intéressée aux variations de la Bourse !

Quoique les renseignemens sur les opérations du Crédit mobilier soient insuffisans, on peut, d’après les deux seuls tableaux publiés à la suite des rapports, se faire une idée approximative de celles de ces opérations qui concernent les achats et ventes de valeurs, et qui, suivant l’expression de M. Isaac Pereire, impriment aux placemens