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de ne chercher ses profits légitimes que dans l’accomplissement de ces services, et non de poursuivre des bénéfices dans des transactions aléatoires. Si l’on mesurait à cette règle l’intervention du Crédit mobilier dans le commerce des valeurs, nous croyons qu’il faudrait de deux choses l’une, ou que le Crédit mobilier renonçât au caractère d’institution publique auquel il aspire, ou que son action à la Bourse fût resserrée dans des limites plus étroites que celle à qui lui sont assignées par ses statuts.

Le Crédit mobilier, en prenant part librement au commerce des valeurs, n’y remplira pas des services généraux. Qu’on l’envisage comme banque de report ou comme acheteur et vendeur de va leurs, la conclusion sera la même. Comme banque de report, le Crédit mobilier ne saurait avoir des ressources assez abondantes ou assez régulières pour suffire en tout temps aux demandes de crédit de la spéculation. Sous ce rapport, le reproche qu’on lui a fait d’avoir laissé quelquefois en souffrance cette branche de crédit est injuste. Les fonds prêtés en reports aux spéculateurs de la Bourse ne peu vent provenir que de l’excédant des fonds de roulement du commerce et de l’industrie qui sont momentanément disponibles. Les spéculateurs, par l’intérêt élevé qu’ils consentent quelquefois à payer pour les reports, exercent trop souvent sur ces fonds une attraction nuisible à la saine activité du commerce et de l’industrie, et contribuent, comme on l’a vu dans ces derniers temps, à restreindre douloureusement les ressources du crédit commercial. Le Crédit mobilier ne peut en outre consacrer aux reports qu’une partie des fonds de roulement qui lui arrivent en comptes courans. Or le chiffre même de ses comptes courans est limité par ses statuts ; les ressources des comptes courans sont temporaires et variables, et d’autres emplois plus urgens que les reports peuvent en réclamer, en certaines circonstances, une portion considérable. Le Crédit mobilier est donc dans l’impuissance d’assurer, sous la forme de reports, la dispensation complète, régulière et peu coûteuse de crédit que l’on voudrait exiger de lui au nom de la spéculation. Comme banque de report, le Crédit mobilier ne rend donc que des services partiels et accidentels. Comme commerçant en valeurs, si l’on ne veut point restreindre le Crédit mobilier à vendre uniquement les valeurs acquises par lui dans la commandite des entreprises, s’il peut, avec les fonds disponibles de son capital, opérer sur toute sorte de valeurs, il est plus évident encore qu’il ne saurait, en agissant ainsi, remplir un service général. Au nom de quel principe et de quel intérêt d’utilité publique achèterait-il telle valeur plutôt que telle autre, vendrait-il celle-ci et non celle-là ? Il ne serait guidé, dans des opérations semblables, que par les mobiles qui entraînent dans un sens