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ressortir ce qu’il y a de réellement fondamental dans le phénomène qui nous occupe, à savoir la production de plusieurs individus par un seul germe primitif.

Les ascidies composées nous montrent quelque chose de plus. Chez elles, l’œuf donne naissance à un scolex qui se fixe et change de forme, qui acquiert alors des organes reproducteurs bien caractérisés, et produit par bourgeonnement de nouveaux individus tous également complets. Ici, le scolex se transforme directement en proglottis et enfante de toutes pièces une génération entière d’individus complets. Entre ces deux phases du développement, il existe des différences de forme et de genre de vie faciles à saisir. Dans ce cas, pour rester fidèle à notre comparaison, nous dirons que l’œuf du papillon a produit d’abord une chenille ; celle-ci est arrivée à l’état parfait ; puis sur ce papillon provenant de l’œuf primitif ont poussé d’autres papillons semblables à lui, dont il n’est, à proprement parler, ni le père, ni la mère, mais seulement le parent.

Les choses se passent d’une manière un peu plus compliquée chez les pucerons. L’œuf pondu en automne engendre un scolex ayant les caractères d’une nymphe. Pendant tout l’été, celui-ci ne produit point d’œufs, mais bien de véritables bourgeons, qui poussent et s’organisent dans l’intérieur de son corps au lieu d’apparaître et de se développer à l’extérieur, comme chez l’hydre ou l’aurélie. Quand la température baisse, l’appareil reproducteur normal se montre chez des individus distincts, et nous trouvons alors des mâles et des femelles. C’est l’histoire d’un œuf de papillon d’où sortirait une chrysalide capable de produire par gemmation interne d’abord plusieurs générations de chrysalides semblables à elle, puis un certain nombre de papillons. Ici donc il y a plusieurs générations de scolex ; la phase de strobila manque aussi bien que chez les espèces précédentes, et les proglottis tantôt ressemblent aux scolex eux-mêmes durant toute leur vie[1], tantôt en diffèrent par quelques caractères indiqués plus haut.

Cette analogie de formes extérieures entre les scolex et les proglottis d’une même espèce rend quelquefois moins aisées à distinguer les phases de la généagénèse et masque pour ainsi dire le phénomène, Aussi est-il déjà plus net chez les biphores, où les lois physiologiques se traduisent en quelque sorte en caractères visibles. Bien des naturalistes avaient abordé ce sujet depuis Chamisso, et on doit entre autres à un savant de Copenhague, à M. Eschricht, un remarquable travail anatomique dans lequel se trouvait décidément établi ce fait très essentiel, que les biphores chaînes sont ainsi réunis dès les premiers

  1. Bonnet a vu des individus entièrement dépourvus d’ailes se conduire exactement comme les individus ailés et donner les signes les moins équivoques de leur sexualité.