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sur cette chenille ont poussé, comme autant de branches, d’autres chenilles semblables à la première ; ensuite chacune d’elles, tout en gardant sa tête de chenille, a pris un corps de chrysalide ; ce corps s’est étranglé par places, et peu à peu il s’est trouvé composé de papillons empilés les uns sur les autres ; alors la tête de chenille est tombée, et les papillons ont pris tour à tour leur volée ; ils ressemblaient d’abord à des phalènes, mais en grandissant ils sont devenus pareils aux plus beaux papillons de jour ? — Qui voudrait ajouter foi à cette histoire, racontant des transformations comme on croit en voir dans ses rêves ? Et pourtant changez quelques mots, mettez à la place des insectes et des papillons les acalèphes et les méduses, et ce qui tout à l’heure était une fable incroyable devient la simple vérité.


III. — INTERPRÉTATION NOUVELLE DES FAITS ANCIENNEMENT DÉCOUVERTS.

Avant d’aller plus loin, il est nécessaire de désigner les diverses phases de cette multiplication si accidentée par des noms généraux qui seront ici les analogues des mots larve, nymphe, insecte parfait, employés dans l’étude de la métamorphose proprement dite. Or ces phases principales sont au nombre de trois. Nous avons vu d’abord sortir de l’œuf un être simple, un individu neutre, c’est-à-dire n’étant ni mâle ni femelle ; bien plus tard, nous avons rencontré un être composé, également neutre, dont chaque partie était susceptible de vivre isolément ; enfin nous avons vu ces parties se détacher et acquérir les organes caractéristiques du sexe. Un naturaliste belge, dont le nom reviendra souvent dans le cours de cette étude, M. van Bénéden, a le premier distingué ces trois états, et leur a donné des noms[1]. Nous adopterons volontiers sa nomenclature. Ainsi nous appellerons scolex l’animalcule qui sort de l’œuf d’une méduse ou de toute autre espèce se reproduisant par des procédés analogues. Donnant au mot de strobila une acception plus étendue que ne le faisait Saars, nous désignerons par la tout être composé provenant d’un scolex, et destiné à produire des individus isolés. Enfin, empruntant à M. Dujardin une expression employée par lui dans un sens presque semblable, nous nommerons proglottis les individus provenant d’un strobila qui se complètent par l’acquisition d’organes reproducteurs, et fer ment ainsi le cycle des développemens.

Faisons encore ici une remarque importante. Nous avons vu sortir de l’aurélie un scolex ayant presque tous les caractères de certains infusoires, et qui plus tard a pris la forme de polype. Dans cet état,

  1. Recherches sur les Vers cestoïles, 1850. — La Génération alternante et la Digénése, 1854.