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tour à tour vivipare et ovipare, et qu’un seul acte fécondateur agît non-seulement sur la génération présente, mais encore sur les générations à venir.

Pendant plus de trois quarts de siècle, les naturalistes explorèrent les voies ouvertes par Bonnet, Peyssonel et Trembley. Les faits s’accumulèrent, mais aucun phénomène réellement nouveau ne se montra. Pourtant, parmi les travaux qui se rapportent à cette période, parfois plus encore par leur nature que par leur date, il en est de trop importans pour que nous les passions sous silence. Nous verrons d’ailleurs que la valeur réelle n’en fut complètement appréciée que lorsqu’ils purent être envisagés sous des rapports très longtemps inaperçus.

Disons d’abord qu’à la suite des découvertes dont il vient d’être parlé, on avait rangé parmi les animaux comparables à l’hydre de Trembley non-seulement des végétaux comme les corallines, mais encore bon nombre d’espèces animales qui appartiennent à un tout autre type. Savigny, ce compagnon des Geoffroy et des Cuvier, qui a payé par trente ans de tortures ses admirables révélations, fit connaître en 1816 la véritable nature des flustres, des escharres, des botrylles, de tous ces mollusques agrégés ou composés, jusque-là regardés comme de véritables polypes, qui tapissent de leurs plaques calcaires cornées ou gélatineuses les pierres, les rochers, et jusqu’aux fucus de nos côtes[1]. Les divers modes de reproduction découverts par les contemporains de Réaumur se trouvaient donc appartenir à des êtres bien différens. Or la reproduction par boutures et par bourgeons expliquait bien la multiplication sur place, mais non pas la dissémination des colonies formées par ces polypiers vrais ou faux. Bernard de Jussieu avait, il est vrai, entrevu les œufs de l’hydre ; Cavolini, vivant sur le bord de la mer, avait aussi suivi ce qu’il appelait des œufs ou germes tourbillonnans de polypes, les avait vus se fixer sur un corps solide et donner naissance à un nouveau polypier[2] ; d’autres faits étaient venus se joindre à ces premières observations. Néanmoins bien des points du problème étaient encore restés dans l’obscurité, lorsque MM. Audouin et Milne Edwards annoncèrent que les ascidies composées pondent de véritables œufs d’où sortent des larves d’abord mobiles et

  1. Mémoires sur les Animaux sans vertèbres. On sait que Savigny, de retour de l’expédition d’Égypte et à la suite de ses travaux, fut atteint d’une affection des yeux à la fois très extraordinaire et très douloureuse, qui pendant près de trente ans le força de rester dans une obscurité absolue. Dans un rapport fait à l’Institut sur un des premiers mémoires de ce naturaliste éminent, Cuvier disait : « Savigny ne découvre pas, il révèle, » tant les résultats annoncés étaient à la fois inattendus et clairement démontrés.
  2. Memorie per servire alla storia dei polypi marini, 1789.