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célèbre pour la première fois l’anniversaire du jour où fut achevé le bateau construit jadis par Pierre le Grand lui-même, et que les Russes appellent le grand-papa de la flotte moscovite ; 26 vaisseaux de ligne, 21 frégates 10 bricks et 7 petites chaloupes de guerre, mouillés dans la rade de Gronstadt, saluent de plus de deux mille coups de canon le tout petit grand-papa qui, placé sur un bateau à vapeur, traverse fièrement les lignes de ses neveux, et arrière-neveux. Voilà, il est vrai, un grand nombre de circonstances qui peuvent faire croire à une intimidation facilement exercée, de 1833 à 1836, par le cabinet de Saint-Pétersbourg sur son ancien allié ; mais il n’y a cependant pas dans les dépêches un seul mot d’un nouveau traité conclu en 1834 sur les bases de l’ancien traité de 1812, et il faut reconnaître que les inductions fondées soit sur la dépêche de Suchtelen, soit sur la négociation de 1834, ne conduisent pas nécessairement au résultat qu’on en a voulu tirer.

Ici du reste peu importe après tout cette conclusion. Quelques engagemens qu’ait contractés Bernadotte pendant son règne, personne ne va jusqu’à soutenir en Suède que son fils en ait jamais accepté de semblables. Le pacte de famille d’Abo n’était plus en vigueur le lendemain de l’avènement du roi Oscar, c’est ce qui paraît certain, et il serait injuste d’établir entre les deux règnes sur ce point une solidarité que ne motiverait aucun acte public du fils de Bernadotte. Si d’ailleurs on admettait que le roi actuel eût été jusque dans ces derniers temps lié encore par les négociations de son père avec la Russie, on ne ferait qu’augmenter le mérite qu’il eut à rompre définitivement des liens antipathiques à la nation suédoise et à lui-même.

Dès le mois de juin 1855, pendant que l’opposition comptait sur ses doigts tous les motifs qui retenaient sans doute le roi Oscar sous l’influence de la Russie, au moment où le sixième volume de M. Bergman devenait un objet de scandale, au moment où le premier assaut de Sébastopol échouait, les négociations avec la France et l’Angleterre, ouvertes en novembre 1854, c’est-à-dire dès la fin de la première campagne, étaient reprises au château de Haga, près de Stockholm, avec les ministres des deux puissances occidentales. Entravées précédemment par la double nécessité de se mettre en état de faire honneur aux garanties que l’on consentirait et de ne pas publier prématurément des dispositions hostiles envers un voisin redoutable, elles le furent cette fois encore par l’attente de la chute de Sébastopol. La journée du 9 septembre écarta enfin ce dernier obstacle. En octobre, le directeur des musées impériaux à Paris ayant fait demander à Stockholm le portrait du roi pour la collection des Tuileries, le baron Bonde, qu’on savait en possession de la confiance royale, fut chargé d’apporter ce portrait en France.