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que la première moitié du XIXe siècle a déjà accumulées, il faut compter sans aucun doute celle du dogme du droit divin et de la légitimité, remplacé par celui du pacte social. Le roi de Suède n’avait plus à craindre les effets d’une réaction légitimiste, contre laquelle son père avait invoqué le secours de la Russie ; il n’avait à redouter ni les absolutistes, dont la puissance était désormais fort ébranlée, ni les libéraux, dont il partageait lui-même les idées. Aussi l’agitation générale de 1848 n’a-t-elle pas réellement pénétré en Suède ; il y eut bien à Stockholm, quand on y reçut les nouvelles des émeutes de Vienne et de Berlin, au mois de mars, le jour où l’on célébrait, là aussi, un banquet pour la réforme de la représentation, un faible contrecoup. Le peuple, que cette demande de réforme et le bruit des révolutions avaient agité, se réunit sur la grande place ; peu à peu la foule grossissant alla casser des vitres chez les principaux adversaires de la réforme, chez l’évêque de Stockholm et chez M. de Hartmansdorf ; puis elle se tourna contre les Juifs. La police s’était montrée d’abord peu active. Le second jour, la troupe, mal secondée, répondit aux huées et aux sifflets par quelques coups de fusil ; mais la foule cependant n’exprimait encore aucune prétention formelle, et quand le roi descendit en personne au milieu d’elle pour dire ces simples paroles : « Que voulez-vous, mes amis ? » les plus embarrassés furent ceux qu’on interrogeait. Cette émotion sans objet tomba d’elle-même : le roi, pendant les quatre premières années de son règne, avait multiplié les réformes libérales et prévenu les désirs. C’était le plus sûr moyen d’assurer d’une part son repos intérieur, de l’autre son indépendance vis-à-vis de la Russie. Le nouveau règne, malgré le voisinage, ne se trouva en relations étroites avec la Russie que lorsque, dans la guerre des duchés, un corps auxiliaire accourut de Suède au secours des Danois. Aussitôt qu’elle apprit cette résolution prise à Stockholm, la Russie envoya elle-même une escadre pour imposer aux Allemands, et il est bien permis de croire qu’elle voulut se hâter afin d’empêcher une trop cordiale entente des peuples Scandinaves. Quoi qu’il en soit, bien que le but apparent des cabinets suédois et russe fût alors le même, cette rencontre ne donna lieu à aucune complication. Aucun parti ne put médire du concours de la Russie : ceux-là pouvaient s’abstenir de reconnaissance qui le croyaient intéressé ; mais le gouvernement suédois n’était nullement en cause : il était resté complètement étranger à cette démonstration du cabinet de Saint-Pétersbourg, qui ne le touchait qu’indirectement.

Il ne pouvait en être de même pour les récentes affaires d’Orient. Dès le commencement du débat, il fut facile de comprendre qu’il s’agissait ici des intérêts de tout le continent européen. La Suède en