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corps furent imprimées le lendemain à profusion. Celle qu’il prononça devant les officiers de l’armée fera juger des autres : « Que veut cette faible et méprisable poignée de turbulens qui s’agitent dans l’ombre pour troubler la tranquillité publique ? S’ils n’en voulaient qu’à ma vie et à celle de mon fils, je dédaignerais facilement leurs projets et leurs efforts : je suis soldat, j’ai appris depuis longtemps à mépriser la vie ; mais ils veulent ébranler vos lois, ils veulent attaquer votre honneur et votre liberté : je dois donc me lever pour les défendre… Ce n’est point pour obéir à un vain orgueil que je suis venu au milieu de vous ; mon ambition personnelle est satisfaite ; j’ai acquis pour moi-même assez de gloire. Le bonheur de la Suède est le seul but que j’envisage. Je veux la liberté pour vous, je veux la gloire pour vous, je veux pour vous la prospérité, et malgré les tentatives qu’on pourrait faire, je parviendrai à vous assurer ces avantages, les plus précieux pour les hommes de bien. Vous le savez, je ne marche qu’avec la loi, et je ne veux marcher qu’avec elle. J’assemblerai une diète ; si une seule voix s’élève contre moi, je m’envelopperai de mon manteau et je quitterai une terre ingrate… Si, oubliant ce que je vous dois, si, oubliant mon caractère et mes principes, je me laissais enivrer un jour en buvant dans la coupe de la puissance pour attenter à votre liberté, osez me rappeler à moi-même. C’est le devoir des braves de parler avec franchise et loyauté. Mon cœur sera toujours prêt à vous entendre, et si, ennemi de ma gloire et de mes intérêts, je refuse de vous écouter, tournez alors, j’y consens, tournez contre moi ces mêmes armes que vous venez m’offrir en ce moment pour ma défense[1]. »

Le complot n’était rien, comme il parut quand on voulut pour suivre ; mais, par tout cet éclat, Bernadotte avait eu pour intention de ranimer le dévouement des Suédois pour sa personne, en leur montrant dans de telles entreprises les menées étrangères par les quelles on voulait, assurait-il, l’enlever à la nation qu’il avait sauvée. « Entre toutes ces rumeurs, dit-il aux députés de la bourgeoisie, on a osé mêler le nom d’une famille que vous avez rejetée. Je n’ai rien de commun avec cette famille ; ce n’est pas moi qui ai contribué en rien à son sort. » Il s’avança jusqu’à soutenir, en présence de ces députés, qu’une puissance étrangère avait soldé les mécontens, et il était en cela d’accord avec les soupçons du peuple à la première nouvelle du prétendu complot, le bruit avait couru dans Stockholm que le ministre de Russie, Suchtelen, était arrêté, puis qu’il s’était sauvé, et, dans la matinée du 14 mars, jusqu’à sept fournisseurs de la légation russe s’étaient présentés chez lui, persuadés qu’il allait

  1. Imprimé dans le journal Inrikes Tidningar du mardi 18 marc 1817.