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passé ici lorsque cette nouvelle s’est répandue. Jamais je n’avais va une consternation pareille. La cour était abattue ; on avait l’air de gémir sur une grande calamité publique ; les moins interdits se servaient d’un reste de voix pour déplorer ce qu’ils appelaient la perte de la grandeur et de la gloire de la France. » C’étaient là en ; effet les sentimens de la nation. Quant au prince royal, il s’était obstiné quel que temps à ne pas accepter franchement les faits accomplis ; il avait rêvé l’établissement d’une république en France, et à la nouvelle de la chute de Bonaparte il n’avait pu cacher sa première émotion. Il avait bien songé à garder le secret pendant deux jours, jusqu’à la tenue du conseil des ministres, afin de parler alors de ses sentimens avec le calme dont il manquait encore ; mais c’était au-dessus de ses forces. Il n’avait pas résisté au besoin de confier sous le secret et ses désirs et ses espérances à un confident, puis à un second, puis à un troisième, enfin à tous ceux qu’il voyait. Pendant toute la journée du 6 juillet, il n’avait pensé qu’à l’établissement de la république, absolument comme si c’eût été sa propre affaire… Il se perdait en illusions incohérentes qui choquaient ceux à qu’il se confiait ; il se flattait visiblement de l’espoir que les républicains, s’ils avaient le dessus, le mettraient à la tête de leur gouvernement. Jusqu’au dernier moment, il voulut encore espérer. Il se rattachait avec bonheur à la proclamation de Napoléon II, qui devait diviser les alliés, arrêter leur marche, rallier tous les Français. M. d’Engeström s’en expliquait très ouvertement, il le dit même au chargé d’affaires d’Autriche, et se mit à le féliciter du rôle éminent qu’allait remplir l’archiduchesse Marie-Louise. « Ce ne fut qu’avec étonnement, écrit M. de Rumigny, qu’il entendit ce diplomate lui demander, avec la franchise d’un ancien hussard, s’il voulait par hasard rire à ses dépens. » La nouvelle de la capitulation de Paris vint couper court à toutes ces illusions. Toutefois, comme elle n’annonçait pas la ruine définitive du parti de Carnot et de Fouché, on voulut espérer encore.

Il est certain que la seconde restauration pouvait attirer sur Bernadotte un coup terrible. Le principe de la légitimité relevé et proclamé pour la seconde fois, c’était son arrêt de condamnation prononcé par tous les rois de l’Europe. Souffriraient-ils en sa faveur une exception unique à la règle posée pour l’avenir, lorsqu’il avait lui-même, en plus d’une rencontre, exprimé son dédain pour leurs vieilles maximes et leurs prétendus droits ? Au moment où les héritiers soi-disant légitimes de la couronne de Suède allaient réclamer auprès des grandes puissances, les services rendus autrefois par Bernadotte à la cause des rois seraient-ils encore dans leur mémoire, et suffiraient-ils à le protéger ?

Ce n’était pas que le malheureux Gustave IV dût paraître personnellement