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les soldats de l’Italie ! Au moment du départ, nous reçûmes les vœux et les serremens de main de la foule qui se pressait dans les rues ; sur notre passage s’agitaient les mouchoirs des dames debout sur leurs balcons et oubliant les douleurs de l’adieu en pensant à l’amour de la patrie, à l’auréole de gloire dont elles entouraient à l’avance la tête de leurs fils, de leurs époux, de leurs frères ! Ceux qui restaient promettaient de s’occuper des familles des artisans qui consacraient à la guerre leurs bras, leur unique gagne-pain. Pendant la marche, les colonnes parties de la ville rencontraient des groupes de volontaires accourus des pays d’alentour, et quand nous traversions un, village, les cloches sonnaient leurs plus joyeuses volées, les fleurs pleuvaient sur nos baïonnettes, que faisait briller le soleil du printemps ! »

C’était là un poétique départ ; mais hélas ! tout l’enthousiasme du monde ne saurait tenir lieu de connaissances positives, et la générosité des sentimens ne pouvait suppléer à cette pénurie d’idées qui fut alors, de l’aveu même de M. Montanelli, le malheur de l’Italie. Ces braves gens allaient périr victimes non moins de leur propre incapacité militaire que de celle de leurs chefs. Des levées en masse, comme chez nous en 1792, auraient pu seules intimider un ennemi qui affichait le plus profond dédain pour tant d’inexpérience ; or on n’avait à lui opposer qu’une poignée d’hommes. Ce n’est pas sans raison que M. César Cantù reproche à un grand nombre de robustes jeunes gens d’être restés chez eux au moment du danger, et d’avoir cru faire assez pour leur pays lorsqu’ils s’étaient enrôlés dans les rangs sédentaires de la garde nationale. Le gouvernement toscan n’était que trop sûr de trouver des appuis dans une partie des citoyens, quand il envoyait aux colonnes expéditionnaires à peine arrivées à Massa l’ordre de s’arrêter. Il fallut obéir. Quelques-uns cependant refusèrent de prendre leur part d’une semblable tâche. De ce nombre fut M. Montanelli. Sans s’inquiéter de savoir si ce premier exemple d’indiscipline ne serait pas funeste à la cause italienne, il se hâta de quitter ses compagnons, et poursuivit seul son chemin vers la Lombardie. On voit que la petite armée toscane se composait bien réellement de volontaires. À Brescia, il reçoit commission de parcourir le Tyrol italien, d’apprendre aux montagnards quels événemens venaient de s’accomplir en Lombardie, de les préparer à bien recevoir les corps francs, et de concerter avec les principaux patriotes du pays la réorganisation des bandes alpestres. Après s’être acquitté de sa tâche, M. Montanelli voulut voir s’il était possible de réveiller Trente. À peine avait-il fait cent pas dans la ville, que la police l’arrête, et M. Montanelli n’échappe à un sort trop facile à prévoir que grâce au dévouement d’un soldat-citoyen de la ville, qui favorise son évasion. La petite armée des corps francs, au nombre de trois mille hommes, guerroya bravement dans le Tyrol et y remporta même quelques avantages. Bientôt cependant l’étoile de l’Autriche reparut à l’horizon : il fallut regagner la plaine pour y défendre la cause sainte, déjà perdue dans les montagnes. Tout semblait avertir les patriotes que leur dévouement ne sauverait pas l’Italie. Loin de s’associer à eux, les paysans lombards laissaient passer l’ennemi avec indifférence et sans l’inquiéter. Les gouvernemens, soit manque de coup d’œil, soit pénurie de généraux, donnaient pour chefs à leurs bataillons des hommes profondément incapables, qui laissaient les soldats sans habits, et