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des conditions nouvelles. En ce moment encore, l’effectif militaire demandé pour l’année courante est diminué, de même que des contingens des années antérieures ont été renvoyés dans leurs foyers. C’est une conséquence de la paix, qui étendra nécessairement son influence sur l’ensemble de la situation politique et économique du pays. S’il est du reste un trait de nature à caractériser le moment où nous vivons, c’est le contraste qui n’a cessé de régner entre le bruit, l’éclat des affaires extérieures dans ces derniers temps et le calme uniforme de la vie intérieure, — contraste rendu en quelque sorte plus sensible par le développement simultané de ces deux ordres de faits, les délibérations diplomatiques du congrès et la session législative. Les travaux législatifs se sont effacés devant l’œuvre du congrès, qui a été un moment la grande assemblée délibérante de l’Europe. Ce n’est pas cependant que dans le cours de cette session il ne se soit produit diverses questions qui touchent à des intérêts de plus d’un genre, et même à des faits de la vie politique. Le corps législatif, qui est réuni depuis le mois de mars, a eu à délibérer sur plusieurs lois d’une certaine importance économique. La première loi proposée à son vote, et adoptée en effet a été l’établissement d’une taxe municipale sur les voitures. Une disposition semblable devait réveiller toutes les contradictions sur les différentes natures d’impôts. Établir une contribution sur les voitures, c’est-à-dire sur le luxe, n’était-ce pas entrer dans la voie des impôts somptuaires ? Et de plus, en prétendant atteindre le luxe, ne risquait-on pas d’atteindre l’industrie elle-même, le travail ? On pouvait objecter d’un autre côté que cette mesure, qui n’est point absolument nouvelle, n’avait d’autre résultat que d’égaliser une taxe déjà payée par certaines catégories de voitures, et que dans tous les cas un impôt, qui est sans doute une charge comme tous les impôts, mais qui ne peut jamais dépasser des limites assez restreintes, n’est point propre à diminuer le nombre des voitures. La nécessité de créer des ressources nouvelles pour la ville de Paris a été un argument en faveur de la taxe, qui est sortie facilement victorieuse de la discussion et a été législativement ratifiée.

Une autre loi plus récemment votée se distingue par un caractère particulier, par ses rapports étroits avec tous les intérêts agricoles et industriels du pays. C’est un remaniement des tarifs de douane. Le gouvernement, depuis quelques années, on le sait, a rendu successivement divers décrets qui diminuent les droits d’entrée sur certains objets de consommation ou d’industrie. Il a pris ces mesures souvent sous le coup d’une nécessité impérieuse, en présence de besoins économiques qui demandaient une satisfaction. Des dégrèvemens de ce genre ont été opérés sur les céréales pour faire face à une crise prolongée des subsistances. Des diminutions ont été faites également sur les laines, les fers et autres matières. Ces divers décrets, qui se sont succédé pendant plusieurs années, qui ont pu être expérimentés, il s’agissait de les coordonner, de les dégager de ce qu’ils pouvaient avoir de transitoire et de leur donner un caractère plus permanent en les transformant en loi. C’était là l’objet de la mesure proposée par le gouvernement au corps législatif, et ici encore se trouvaient en présence les deux systèmes, le système protecteur et le système de la liberté commerciale. Ce n’est pas que la loi proposée soit une satisfaction donnée à une théorie quelconque. Son mérite au contraire