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révolution de 89, attaquée ou défendue, ne se prête pas à la raillerie, et lorsque M. Victor Hugo plaisante, il manque souvent de mesure. Tant qu’il demeure dans l’ironie, il trouve des paroles qui rendent sa pensée ; dès qu’il essaie le badinage, l’expression le trahit. Il écrase en voulant égratigner. Il tenterait en vain de se faire léger, il faut absolument, qu’il y renonce. Le marquis de C. lui faisait la partie belle en lui disant : Enfant, vous mettiez la royauté au-dessus de la liberté ; homme, vous reniez la foi de votre enfance, et vous donnez tort à la royauté contre la liberté ! Pour réfuter cette puérile accusation, il n’était pas nécessaire de marier Boufflers à Scarron, comme l’auteur des Contemplations. Une confession loyale, écrite d’un style simple et grave, valait mieux que toutes les railleries. M. Victor Hugo a pris un autre parti, et je crois qu’il s’est trompé. Il ne s’est pas aperçu qu’il amoindrissait la cause de la révolution en essayant de l’égayer. L’espièglerie n’était pas de mise. Mirabeau et Danton, encadrés dans un bon mot, feront toujours la grimace, et le plus sage est de parler d’un ton austère, quand on évoque les souvenirs tragiques du siècle dernier. L’enfant qui jouait sur les genoux du marquis de C. a maudit la liberté tant qu’il a ignoré l’histoire ; quand il a connu le passé, il a changé de foi. C’est là le thème que M. Victor Hugo avait à développer. Il n’y a pas au monde une meilleure cause, et j’aurais souhaité que la parole se maintînt toujours à la hauteur du sujet.

Je range dans la partie polémique une boutade un peu longue, que l’auteur nomme : A propos d’Horace. Est-ce vraiment une rancune sincère contre le régime du collège ? N’est-ce pas plutôt ce qu’on appelle dans l’université une matière d’amplification ? Je me prononcerais pour le dernier avis. Un écolier mis en retenue, condamné à copier quelques centaines de vers, lors même que la retenue et le pensum le privent d’un rendez-vous amoureux, n’interpelle pas Horace dans les termes imaginés par l’auteur des Contemplations. Horace était bon vivant, chacun le sait, amoureux du loisir, du cécube, du falerne et des belles filles ; mais en prenant pour vrai tout ce qu’il dit de lui-même, en admettant qu’il ne se calomnie jamais, j’ai peine à comprendre qu’un écolier lui adresse toutes les plaintes signées du nom de Victor Hugo. Les louanges qu’il lui donne ne prouvent pas qu’il l’ait souvent feuilleté. Le panégyrique est trop verbeux pour être sincère. Un tel maître veut être célébré avec plus de sobriété ; Que le futur chef d’école dise à l’amant de Néère et de Lalagé : En écrivant tes strophes passionnées, tu ne prévoyais pas qu’elles serviraient un jour à torturer la jeunesse, — je ne m’en étonne pas ; mais que dans son dépit, pour glorifier l’esprit nouveau, il se croie tenu de maudire et de flétrir ses maîtres comme