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l’excédant de la récolte sur la consommation était, en 1848, d’environ 140,000 moïos (mesure de 828 litres), et en 1852 de 230,000 moïos. La consommation totale (alimentation et ensemencemens) ayant pris 1,066,000 moïos en 1851, voilà donc ses besoins dépassés d’à peu près 22 pour 100, qui, joints à l’ancien déficit de deux douzièmes, ou environ 16 pour 100, minimum de l’estimation de M. Herculano, et en tenant compte de l’accroissement du chiffre des consommateurs, donneraient au moins 45 pour 100, comme mesure de l’augmentation nette de la production des céréales comparativement à l’ancien régime. C’est trois fois l’essor actuel de la population. Et il ne s’agit pas ici d’un simple déplacement de cultures, car toutes les autres sont en progrès. Bien que les vins du Douro aient perdu en 1836 les privilèges de tarif dont ils jouissaient, depuis le traité Methwen, dans la Grande-Bretagne, leur principal marché, et y soient assimilés désormais aux vins de France, la moyenne décennale de la production, pour la période 1839-1848, dépasse de 23 pour 100 la dernière moyenne de l’ancien régime. Si l’on ne considérait que les trois dernières années de cette période, l’accroissement serait d’environ soixante pour 100. L’olivier et l’oranger mettent beaucoup plus de temps à se développer que la vigne ; mais les derniers relevés signalent un accroissement de plus d’un tiers dans la production de l’huile de 1848 à 1851, et la récolte des oranges était de trois septièmes plus élevée en 1852 qu’en 1851. — La production des pommes de terre dépassait en 1851 d’un sixième, et en 1852 de quatre cinquièmes la production de 1850 ; ainsi de suite. La moyenne d’accroissement de la production des céréales peut donc être acceptée à coup sûr pour l’ensemble des productions.

Les procédés perfectionnés de culture n’ayant que peu ou point pénétré en Portugal, cet accroissement de prés de moitié en sus dans la production doit nécessairement s’expliquer par une extension proportionnelle du sol cultivé. Le grand propriétaire n’ayant pas, d’autre part, intérêt à dépenser son argent pour grossir des accumulations de denrées que, dans l’état actuel des moyens de transport, il n’écoule déjà que péniblement et dans un très petit rayon, les terres défrichées ont dû non moins nécessairement se répartir entre les cultivateurs parcellaires, ceux qui produisent autant pour consommer que pour vendre. Il ne faudrait certes pas torturer les chiffres qui précèdent pour évaluer en centaines de mille le nombre des petits propriétaires ou fermiers et des journaliers qui ont dû conquérir à ce partage, — ceux-là, l’aisance par l’extension de leurs cultures, ceux-ci, la propriété[1]. — Si Maria da Fonte savait lire, Maria da Fonte elle-même n’en reviendrait pas.

  1. Dans le district de Coïmbre, où la présence de la vieille université portugaise avait probablement accumulé plus de privilèges féodaux qu’ailleurs., et où l’effet de leur suppression a dû être d’autant plus marqué, le domaine agricole s’accroîtrait en moyenne de plus de 11 pour 100 par an, si l’on en juge par les relevés de la production des céréales en 1840 et en 1848. Le mouvement est visible jusque dans l’Alemtejo, où le manque de bras (l’Alemtejo est près de quatre fois moins peuplé que l’ensemble du royaume) semblerait s’opposer plus que partout ailleurs au développement des cultures, mais où, pour employer une expression déjà proverbiale dans le pays, les baldios (terres vagues) se convertissent, comme par enchantement, en tapadas (ou enclos).