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pendant si longtemps la trace même avait été effacée. Ainsi partout nous trouvons des monumens des décadences humaines : en Asie, en Afrique, en Italie, dans cette Grèce où chaque pierre, chaque débris nous offre encore les modèles de la plus simple, de la plus pure beauté que le regard humain pourra jamais contempler. Que de plaintes découragées, de retours sur le néant de l’homme n’ont pas arrachés aux voyageurs et aux poètes ces ruines des civilisations anciennes ! Mais dans leur confusion même on retrouve la trace du progrès : l’étincelle qui s’éteint en un point se rallume ailleurs plus sereine et plus brillante. À travers les défaillances, les destructions du temps, les violences des hommes, le genre humain poursuit sa laborieuse destinée et s’avance vers un idéal de grandeur et de perfection morale toujours plus élevé.

Il ne peut entrer dans les limites de cette étude d’énumérer toutes les familles animales qui se sont succédé sur le globe aux différentes périodes géologiques. D’ailleurs, pour retrouver la loi du progrès qui s’est opéré dans la nature animale, il suffit presque de noter quelques traits épars de ce vaste tableau, et la grandeur des pensées qu’il éveille naturellement fera peut-être pardonner l’imperfection et la grossièreté des contours.

Le plus ancien terrain dont la faune nous soit aujourd’hui connue est celui que Murchison désigna sous le nom de silurien. Il fut d’abord étudié dans cette partie de l’Angleterre qui forme l’ancien pays des Silures, et retrouvé plus tard en France, en Portugal, en Espagne, en Bohême, en Scandinavie, en Russie, aux États-Unis d’Amérique. Aucune raison concluante n’autorise à admettre que ce terrain soit celui dont le dépôt ait coïncidé avec l’apparition de la vie animale sur le globe, et l’on a même trouvé déjà quelques restés de zoophytes dans des terrains plus anciens et réputés azoïques, c’est-à-dire sans fossiles. Quoi qu’il en soit, cette faune est en fait la plus ancienne qui nous soit connue, et les travaux de Murchison, de M. Barrande, de M. de Verneuil, lui ont acquis dans ces dernières années parmi les géologues une sorte de popularité, qu’elle mérite bien d’ailleurs par l’antiquité comme par le nombre et la singularité des êtres qui la composent.

Les continens de l’époque silurienne avaient des formes beaucoup plus simples que ceux d’aujourd’hui ; c’étaient d’immenses et monotones plateaux faiblement élevés, de grandes îles basses aux côtes peu accidentées. Le lit des mers avait de même une profondeur presque uniforme. La simplicité de ces traits physiques se retrouve dans la distribution des êtres, et la chaleur égale qui régnait alors sur toutes les parties du globe contribuait à rendre cette répartition plus régulière. Constamment lavés par les pluies torrentielles qui entraînaient