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aussi infranchissable que les plus hautes montagnes peuvent l’être pour les animaux terrestres.

Les travaux les plus récens de lac paléontologie semblent prouver qu’aux époques géologiques qui ont immédiatement précédé la nôtre, il existait déjà de grandes provinces naturelles et on peut dans ces faunes que l’on restaure, établir des subdivisions en rapport avec les continens d’alors. Dans son magnifique ouvrage sur l’histoire des mammifères fossiles de la Grande-Bretagne le professeur Owen fait remarquer que tous les quadrupèdes fossiles d’Europe et d’Asie diffèrent de ceux de l’Amérique du Sud et de l’Australie, et qu’on trouve déjà dans l’ancien continent la tribu des éléphans, rhinocéros, ours, hyènes chevaux, qui le caractérisent aujourd’hui. Les animaux, au contraire, qu’on a découverts dans les cavernes de l’Australie sont principalement des kanguroos, et ceux des pampas de l’Amérique du Sud sont presque tous analogues aux habitans actuels de ces régions. Les gigantesques ossemens fossiles qu’on a découverts dans la Nouvelle-Zélande ont été rapportés par Owen à la famille des autruches, et de nos jours encore on trouve des troupes nombreuses d’oiseaux à ailes courtes appartenant à la même famille dans cette grande terre, qui ne possède aucun quadrupède indigène, pas même les kanguroos et les opossums, si répandus dans l’Australie, dont elle est voisine.

À mesure, que les études paléontologiques se compléteront et embrasseront un champ plus étendu, on se trouvera sans doute obligé de reculer dans le passé ces grandes divisions naturelles, dont les limites s’écarteront de plus en plus des limites actuelles. Dans les époques les plus anciennes, la température était beaucoup plus uniforme sur le globe et les formes organiques étaient moins variées en passant du pôle à l’équateur ; mais les différences dont il est question ici ne sont pas de celles qui dépendent des climats mêmes. Si on les trouve moins tranchées, moins nombreuses dans les terrains, à mesure qu’ils sont plus anciens, c’est parce que la surface du globe terrestre était autrefois moins accidentée, la profondeur des mers moins inégale, le relief des continens et des îles plus uniforme. Chaque révolution du globe est accompagnée de destructions et de modifications dans les formes organiques, mais en même temps elle hérisse la surface de la terre de nouvelles inégalités et accentue davantage les anciennes ; elle modifie ainsi les limites des grandes provinces animales et en ajoute de nouvelles. À chaque période, on peut trouver dans l’inégale rétribution des espèces des traits malheureusement obscurcis et souvent presque indéchiffrables de toutes les révolutions passées. Le lien le plus naturel unit ainsi l’étude des êtres qui ont vécu sur la terre à l’histoire de ces grandes révolutions physiques