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donc, en y ajoutant les 60 millions du capital et les 120 millions des comptes courans, une force de plus de 500 millions que le Crédit mobilier porterait et mobiliserait dans la commandite et les opérations de bourse.

Nous n’avons point parlé jusqu’ici de l’action que peut exercer une société comme le Crédit mobilier sur les opérations de bourse : c’est un sujet sur lequel nous reviendrons spécialement dans la seconde partie de ce travail ; mais nous ne pouvons nous dispenser de contester ici une des conséquences que M. Isaac Pereire attribue à l’émission des obligations lorsqu’il les présente comme devant réfréner la spéculation. On ne niera point qu’avec un portefeuille qui devrait s’élever à plus de 500 millions, la société n’eût des moyens presque irrésistibles d’influence sur le cours des valeurs, et ne fût en état d’assurer à celles qu’elle aurait créées des avantages de spéculation bien supérieurs à ceux des entreprises fondées en dehors d’elle. La loi des statuts qui prescrit au Crédit mobilier d’avoir toujours en valeurs dans son portefeuille l’équivalent du montant de ses obligations émises le laisse libre de choisir les valeurs qui doivent constituer ce gage ; il peut toujours par conséquent vendre celles qu’il voudra à la condition de les remplacer immédiatement par celles qu’il lui’ plaira d’acheter. Le mouvement d’un tel portefeuille, les arbitrages auxquels il donnera lieu exciteront en même temps et domineront la spéculation. La réponse que fait M. Isaac Pereire à ceux qui reprochent au Crédit mobilier une tendance à surexciter la spéculation porte à faux, et il faut bien relever cette réponse, puisque c’est de l’émission des obligations que le président de la société générale tire son principal argument. Le reproche est injuste, dit-il à propos de cette émission, « car le résultat définitif de nos opérations sera d’offrir à toutes les fortunes les moyens et la facilité de réaliser sans péril des placemens fixes. « Résultat définitif, oui, s’il était donné au Crédit mobilier d’atteindre le but annoncé dans le préambule de ses statuts, s’il parvenait « à opérer par voie de consolidation en un fonds commun la conversion des titres particuliers des entreprises diverses. » Il est clair que le Crédit mobilier serait autorisé à croire qu’il aurait soustrait à la spéculation le plus excitant de ses alimens actuels le jour où il aurait remplacé les titres qui donnent des revenus incertains, les actions des diverses entreprises, par ses propres obligations, le jour où il aurait converti les actions de toutes les compagnies consolidées entre ses mains en obligations du Crédit mobilier. Ce jour-là en effet il n’y aurait plus d’un côté que le Crédit mobilier propriétaire et directeur de toutes les sociétés anonymes, et par conséquent de toute la grande industrie de la France, et de l’autre côté des porteurs d’obligations recevant le revenu fixe distribué par le