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chargé de les émettre, ne suffisent point aux besoins de la circulation, ce qui le conduit à déclarer nettement qu’il reste à côté d’eux une place vacante pour les obligations du Crédit mobilier. Sans discuter ici les avantages ou les inconvéniens de la haute prudence de la Banque, sans examiner si l’insuffisance attribuée aux billets tient, comme on semble l’indiquer, à leur caractère, qui est de ne point porter d’intérêt et d’être remboursables à vue, nous ferons seulement remarquer que c’est, non par la quantité des billets qu’émet une banque, mais par la multiplicité et la facilité de ses escomptes, que l’on doit juger si elle répond suffisamment aux besoins de la circulation. Il peut arriver que, dans des périodes de stagnation industrielle et de malaise commercial, la somme des billets de banque en circulation soit plus considérable que dans un temps de prospérité et d’activité[1]. En tout cas, si, par la faute de la banque, les besoins de la circulation n’étaient point satisfaits, et s’ils réclamaient l’émission d’un autre titre intermédiaire, encore faudrait-il que ce titre réunît les conditions et les caractères qui font du billet de banque une monnaie fiduciaire. Or il saute aux yeux que l’obligation du Crédit mobilier ne peut réunir ni ces caractères ni ces conditions.

Les métaux précieux, l’or et l’argent, ayant été adoptés comme la mesure commune des valeurs, le type invariable de cette mesure, l’étalon, the standard, suivant l’expression consacrée, est déterminé dans chaque pays par la quantité d’or ou d’argent fixée comme unité monétaire. Le billet de banque ne peut être reçu comme monnaie et remplacer le numéraire dans les transactions qu’à une condition, c’est qu’à tout moment il puisse s’échanger contre la somme intégrale en monnaie qu’il exprime. Si le billet de banque représentait des valeurs susceptibles de variations, si par conséquent sa valeur, comparée à celle de la monnaie, était variable, il perdrait les propriétés

  1. Sans entrer ici dans une discussion théorique sur la circulation dont nous croyons avoir résumé les vrais principes en parlant de la Banque de France, nous ne pouvons nous empêcher de signaler un rapprochement qui prouve combien il serait puéril de regarder comme insuffisante la circulation actuelle des billets de la Banque de France. Que l’on consulte les compte-rendus de la Banque d’Angleterre : l’on verra que sa circulation s’élève à peu près à la même somme que celle de notre banque ; mais si l’on réfléchit qu’avec cette somme de billets de banque flottant entre 6 et 700 millions, l’Angleterre fait face à un mouvement d’affaires commerciales peut-être trois ou quatre fois plus considérable que celui de la France, qu’en outre le billet de banque anglais circule dans l’Inde dans les colonies britanniques, et qu’où le trouve dans toutes les places de commerce du monde, on conviendra que la circulation d’une somme égale de billets en France, défrayant un mouvement d’affaires très inférieur et n’ayant aucune dérivation à l’étranger, suffit amplement à nos besoins et ne laisse guère de lacune à remplir. Ce n’est pas à la somme de notre circulation, c’est à la rapidité du mouvement que nous saurons lui imprimer qu’il faut mesurer nos progrès industriels et commerciaux.