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intérêt national, serait accessible à de plus aveugles et plus funestes paniques. De quel secours serait alors la banque d’assurance avec ses billets à terme ? En admettant que ces billets fussent une ressource pour le commerce aux abois, qui ne pourrait les faire escompter qu’à un taux d’intérêt bien plus lourd que celui qu’ont jamais fixé en pareille circonstance les banques actuelles, la banque d’assurance ne pourrait les émettre qu’en proportionnant la prime de solvabilité aux risques aggravés d’une situation compromise : elle serait obligée de recourir elle-même et à sa façon aux mesures restrictives qu’elle avait la prétention d’épargner au commerce. Voilà où aboutirait ce système fastueux et pusillanime, en enlevant à la circulation l’instrument le plus parfait dont l’expérience et la théorie l’aient dotée jusqu’à présent, pour le remplacer par un titre compliqué, incommode et impropre aux évolutions actives et rapides des capitaux.

Si l’on veut bien maintenant se reporter aux explications données par M. Isaac Pereire sur les obligations du Crédit mobilier, nous espérons qu’on ne nous accusera point de nous être attardé dans une digression inutile.


Nous relèverons d’abord une inadvertance dans l’éloge que M. Isaac Pereire fait du billet de banque, avant d’arriver à conclure qu’il laisse une lacune que l’obligation du Crédit mobilier serait destinée à remplir. S’il est vrai, comme nous l’avons montré en parlant de la Banque de France, que le billet de banque ait servi à réduire et à régulariser le taux de l’intérêt, il n’est point exact de dire, comme M. Pereire, que ce billet augmente le capital nécessaire à la circulation des richesses d’un pays. Le billet de banque n’est point une création de capital, il n’est point en lui-même une richesse, il n’est qu’un signe représentatif du numéraire qui économise l’emploi des métaux précieux, et à l’aide duquel le capital circulant du pays se livre avec plus de régularité et d’activité aux évolutions que lui impriment le commerce et l’industrie. Prendre la monnaie fiduciaire pour une augmentation de capital, ce serait tomber dans l’erreur enfantine de Law, qui confondait la multiplication artificielle des signes intermédiaires de l’échange avec la richesse réelle, et nous attribuerions d’autant moins une illusion pareille à un théoricien et à un praticien aussi distingué que M. Isaac Pereire, que nulle part nous n’avons vu cette erreur mieux réfutée et les vrais principes de la matière plus nettement établis que dans un travail publié autrefois dans le National par son frère, M. Emile Pereire, sur le système de Law. Après avoir outré ainsi, par une expression exagérée, le rôle du billet de banque, M. Isaac Pereire donne à entendre que les billets de banque, par l’effet de la haute prudence de l’établissement