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Deux voies s’offraient au Crédit mobilier pour faire face à l’éventualité de l’insuffisance de ses ressources : ou l’augmentation immédiate du capital, ou l’emprunt. Il a préféré l’emprunt à l’augmentation immédiate du capital. Il est autorisé par ses statuts à émettre des obligations pour une somme qui pourrait atteindre à dix fois le chiffre de son capital, c’est-à-dire à 600 millions.


La vulgarisation des titres qui, sous le nom d’obligations, représentent les emprunts des grandes compagnies anonymes, est récente en France. Elle provient de la combinaison financière qui, depuis 1851, a été adoptée chez nous, à l’exemple de l’Angleterre, pour l’établissement des chemins de fer. Le succès avec lequel il s’est placé depuis lors plus d’un milliard de francs en obligations a sans doute décidé la préférence du Crédit mobilier pour ce mode de crédit.

La combinaison des obligations est, pour les affaires de chemins de fer, très ingénieuse et tout à fait conforme aux principes économiques. Avant d’examiner l’imitation que se propose d’en faire le Crédit mobilier, il ne sera peut-être pas inutile de rappeler sur quels principes elle repose et dans quelles limites elle est contenue en matière de chemins de fer.

Un chemin de fer est d’un côté une affaire industrielle qui donne des revenus variables, progressifs, aléatoires, et d’un autre côté sa construction et son installation exigent des sommes considérables. C’est pour réunir ces sommes considérables que l’on est obligé de recourir à l’association des capitaux ; mais chez les détenteurs de capitaux qu’il s’agit d’entraîner à faire leurs placemens dans les affaires de chemins de fer, il y a deux tendances diverses et pour ainsi dire deux sortes de tempérament. Il y a des capitalistes prudens qui mettent la sécurité du placement, la certitude et la fixité du revenu au-dessus d’une perspective de bénéfices compensée par des risques ; d’autres, au contraire, sont alléchés par les gros profits, et acceptent volontiers les chances aléatoires au prix desquelles on peut les obtenir. Pour gagner le concours de ces deux classes de capitalistes à la construction des chemins de fer, on a cherché, dans la combinaison financière de ces entreprises, à donner satisfaction à leurs diverses humeurs. Une fois la somme nécessaire à la construction d’une ligne évaluée, on en fait deux parts. La première forme le capital de la compagnie : elle est représentée par les actions, lesquelles courent toutes les chances bonnes ou mauvaises de l’entreprise, et jouissent d’un revenu variable comme ces chances ; la seconde est demandée au public sous forme d’emprunt : elle est représentée par des obligations auxquelles est attaché un revenu fixe et qui ont pour gage, pour hypothèque privilégiée, le chemin de fer lui-même. De