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et qu’à cet effet ils entendent fixer ainsi qu’il suit les bases et les statuts d’une société anonyme sous la dénomination de Société générale de Crédit mobilier, etc. »

Des deux buts indiqués dans ce passage du préambule, il n’y a pas d’observation à faire sur le premier : « favoriser le développement de l’industrie des travaux publics ; » mais il faut s’arrêter au second : « opérer par voie de consolidation en un fonds commun la conversion des titres particuliers d’entreprises diverses. »

Si l’on veut réfléchir un instant au sens pratique de cette phrase, il est impossible de n’être point frappé de la grandeur de l’œuvre poursuivie1 par les créateurs de cette société. Ils ne se contenteront pas de favoriser le développement de l’industrie des travaux publics, c’est-à-dire de procurer aux compagnies qui se présenteront pour exécuter ces travaux les capitaux qui leur seront nécessaires. Les capitaux engagés dans les diverses entreprises sont représentés par des titres, actions ou obligations ; ces titres diffèrent entre eux de valeur suivant les diversités de constitution financière et d’exploitation de chacune des entreprises. Les créateurs du Crédit mobilier se proposent, j’ai presque dit rêvent, de remplacer par un titre uniforme ces titres variables des diverses entreprises. Tel est le sens des mots : opérer la conversion de titres par voie de consolidation en un fonds commun, et nous prenons ces mots dans leur signification la plus large, sans nous arrêter aux limites actuelles que les dispositions des statuts du Crédit mobilier posent à la somme des valeurs qu’il lui est permis de consolider, car ces limites ne sont qu’accidentelles, et il est évident que si la conversion des valeurs diverses en un titre unique est en soi une opération utile et saine, ces limites devront être reculées au moment où la société les aura atteintes. Mais cette opération en suppose deux autres : l’acquisition des divers titres qu’il s’agit de convertir et l’émission du titre uniforme qui doit en représenter la consolidation en un fonds commun. Ainsi, pour atteindre le but qu’elle annonce, la société de Crédit mobilier devra posséder ou racheter les titres, c’est-à-dire être ou devenir propriétaire des diverses entreprises, et à la place des actions et obligations de ces entreprises, elle devra émettre ses titres à elle, ses actions ou ses obligations. Qu’on suppose le but atteint, la conversion accomplie, et l’on voit la société de Crédit mobilier, après avoir absorbé toutes les compagnies anonymes, propriétaire et maîtresse de toutes les entreprises, investie d’un si gigantesque monopole, que sa puissance n’a plus de rivale et d’égale que celle de l’état ; mais, comme il est impossible d’admettre qu’une pareille puissance soit jamais laissée à des mains irresponsables et privées, la société de Crédit mobilier, bien avant d’avoir rempli la mission qu’elle