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mois, il était parti avec sa famille pour l’Italie. Lord Wellington offrit, en attendant son retour, de se charger de la responsabilité du gouvernement tout entier, et, de concert avec lord Lyndhurst, il fit en effet pendant trois semaines ce qu’il avait offert, conduisant seul plusieurs départemens ministériels, et attaqué par les rigoristes constitutionnels pendant que le public admirait en souriant sa confiante hardiesse et son infatigable empressement à servir le roi et l’état. Rejoint à Rome par les lettres qui le rappelaient, sir Robert Peel arriva à Londres le 9 décembre 1834, et accepta sans hésiter sa difficile mission. Souhaitant vivement d’ôter dès l’abord à son cabinet toute couleur d’exclusion et de réaction, il fit tous ses efforts pour y faire entrer lord Stanley et sir James Graham, membres naguère du cabinet whig, et qui avaient tous deux soutenu la réforme parlementaire. Ils refusèrent. Réduit à tenter de gouverner sous la nouvelle constitution du parlement, avec les seules forces du parti qui l’avait combattue, Peel manifesta immédiatement, dans une adresse à ses électeurs de Tamworth, ce qu’il pensait de sa situation et la conduite qu’il se proposait de tenir :

« Je n’accepterai jamais le pouvoir, dit-il, à la condition de me déclarer apostat des principes qui ont réglé jusqu’ici mes actions. En même temps je n’admettrai jamais que j’aie été, avant ou après le bill de réforme, le défenseur des abus et l’ennemi des réformes judicieuses. J’en appelle avec confiance à la part que j’ai prise dans la grande question du système monétaire, dans l’amélioration de nos lois criminelles, du jugement par jurés, et aux opinions que j’ai professées et suivies en tout ce qui touche à l’administration du pays… Quant au bill même de réforme, je répéterai ici la déclaration que j’ai faite quand je suis rentré dans cette chambre comme membre du parlement réformé ; je considère ce bill comme la solution définitive et irrévocable d’une grande question constitutionnelle, solution à laquelle aucun ami de la paix et du bonheur de notre pays ne doit porter atteinte, soit directement, soit par des moyens détournés. S’agit-il de l’esprit du bill de réforme et de ma disposition à l’adopter et à le développer comme règle de gouvernement ? Si, par l’adoption de l’esprit du bill de réforme, on entend que nous devons vivre dans un tourbillon d’agitations incessantes, que les hommes publics ne peuvent se soutenir dans l’opinion publique qu’en épousant les impressions populaires de chaque jour, en promettant de redresser immédiatement tout ce qui sera dénoncé comme un abus, en abandonnant ce grand appui du gouvernement, plus efficace que la loi ou la raison même, le respect des droits anciens et des autorités consacrées par le temps ; — si c’est là l’esprit du bill de réforme, je n’essaierai même pas de l’adopter. Mais si l’esprit du bill de réforme