Page:Revue des Deux Mondes - 1856 - tome 3.djvu/271

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
267
SIR ROBERT PEEL.

mois après, et pour des motifs plus sérieux, quatre ministres plus importans, lord Stanley, sir James Graham, le duc de Richmond et le comte de Ripon se retirèrent également : pas plus que sir Robert Peel, ils ne voulaient consentir à détourner de leur destination primitive et purement religieuse l’excédant des revenus de l’église d’Irlande pour l’appliquer à l’éducation publique. Deux mois plus tard, une autre question irlandaise, le bill de répression contre les désordres et les violences en Irlande, amena une retraite bien plus grave ; le chef du cabinet réformateur, lord Grey, fier, susceptible, esprit plus élevé que clairvoyant, inhabile à se défendre des petites menées qu’il était incapable d’ourdir, prompt d’ailleurs à la lassitude et à l’ennui, crut son honneur blessé et sa situation faussée par quelques démarches de quelques-uns de ses collègues et quelques démêlés intérieurs du cabinet ; il donna sa démission. Au lieu de se retirer avec leur chef selon l’usage, les ministres restèrent et prirent un autre chef, lord Melbourne. Ainsi radoubé avec plus d’adresse que d’éclat, le cabinet whig continuait de vivre languissamment lorsqu’au mois de novembre 1834, la mort de lord Spencer appela à la chambre des pairs son fils aîné, lord Althorp, chef de la chambre des communes, où il était très difficile à remplacer. Lord Melbourne se rendit à Brighton pour soumettre au roi les nouvelles combinaisons que cet incident rendait nécessaires. Guillaume IV ne les approuva point, se plaignit de quelques-uns de ses conseillers et déclara son intention de remettre le pouvoir en d’autres mains. Toujours de sang-froid et de bonne grâce dans toutes les situations, lord Melbourne se chargea de porter lui-même au duc de Wellington la lettre par laquelle le roi l’invitait à former un nouveau cabinet, et le lendemain 15 novembre, à la grande surprise du public, le Times annonça la nouvelle en ces termes : « Les ministres whigs sont dehors ; c’est la reine qui a tout fait. »

C’est la manie des politiques peu sérieux d’imputer leurs revers à quelque cause cachée et inattendue. La reine Adélaïde était ardemment tory ; mais ni son influence, ni le penchant semblable, quoique plus incertain, du roi, n’auraient amené la chute du cabinet whig, si sa décadence ne l’avait préparée. Appelé à Brighton pour lui succéder, le vieux chef des tories, le duc de Wellington, donna un grand exemple de modestie à la fois et de puissance ; « Ce n’est pas à moi, dit-il au roi, c’est à sir Robert Peel que votre majesté doit demander de former un cabinet, et qu’il appartient de le diriger. Dans la chambre des communes sont la difficulté et la prépondérance ; c’est son chef qu’il faut à la tête du gouvernement. Je servirai sous lui, dans le poste qu’il plaira à votre majesté de me confier. » Le roi n’objecta point ; mais Peel était absent : depuis un