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SIR ROBERT PEEL.

de déclarer « qu’il convenait d’élargir les bases de la représentation nationale » avait réuni 117 suffrages contre 213, et dans le cours de l’automne, M. Peel et le duc de Wellington lui-même, se promenant à travers le pays, entre autres à Manchester et à Birmingham, ne s’étaient point montrés résolus de tout repousser à ce sujet. Le nouveau parlement à peine réuni, la question reparut, poussée avec bien plus d’ardeur. Le 2 novembre 1830, dans le débat de l’adresse en réponse au discours du trône, lord Grey, tout en désavouant les idées radicales, déclara qu’il regardait une réforme dans le système électoral comme aussi inévitable que juste, et somma le gouvernement de s’y préparer. Le duc de Wellington se leva : « Quant à moi, dit-il, je ne connais aucun système de représentation meilleur ni plus satisfaisant que celui dont jouit l’Angleterre ; ce système possède et mérite de posséder la pleine confiance du pays. J’irai plus loin : si le devoir m’était imposé en ce moment de former une législature pour un pays quelconque, surtout pour un pays à grandes richesses de toute sorte comme le nôtre, je ne pense pas que je parvinsse jamais à former une législature comparable à celle-ci, car la sagesse humaine n’atteint pas du premier coup à une institution si excellente… Je ne suis donc point prêt à proposer la mesure à laquelle a fait allusion le noble lord. Non-seulement je n’y suis pas prêt, mais je déclare que, tant que j’occuperai un poste dans le gouvernement de mon pays, je m’opposerai à cette mesure quand d’autres la proposeront. »

Ni l’opposition dans les chambres, ni le public au dehors, ni probablement la plupart des membres mêmes du cabinet ne s’attendaient à une déclaration si péremptoire. L’irritation des partisans de la réforme fut extrême et se répandit rapidement parmi le peuple. Le roi Guillaume IV devait aller dîner le 9 novembre dans la Cité. On annonça de toutes parts que des démonstrations violentes éclateraient, que le duc de Wellington serait gravement insulté, peut-être menacé ; on s’inquiéta pour la sûreté du roi lui-même. Les événemens de Paris enflammaient ou alarmaient encore les esprits ; la fermentation populaire et le trouble du pouvoir croissaient d’heure en heure. Le cabinet chancelant ne voulut pas accepter la responsabilité de la sédition ni de la répression que la promenade royale à travers les rues pouvait entraîner. Une proclamation annonça la veille qu’elle n’aurait pas lieu, non plus que le dîner de la Cité. Pendant deux jours, les deux chambres retentirent à ce sujet d’interpellations, d’explications et de débats. Le duc de Wellington se défendit avec quelque embarras, M. Peel le soutint loyalement, en essayant d’ouvrir quelques perspectives de conciliation ; mais les whigs, qui touchaient à la victoire, n’avaient garde de souffrir qu’elle