Page:Revue des Deux Mondes - 1856 - tome 3.djvu/241

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
237
SIR ROBERT PEEL.

tous, maîtres et écoliers, de grandes espérances qu’il n’a point trompées. Dans les études classiques, il m’était très supérieur ; pour déclamer et comme acteur, j’étais au moins son égal. Hors de l’école et dans notre vie libre, je me mettais toujours dans de grands embarras, lui jamais. Dans l’école, il savait toujours sa leçon, moi rarement ; mais quand je la savais, je la savais presque aussi bien que lui. En instruction générale, en histoire, etc., je crois que je lui étais supérieur, comme à la plupart des garçons de mon temps. » À l’université d’Oxford, lorsqu’il subit les examens exigés pour les grades, le jeune Peel obtint un honneur presque sans exemple, dit-on, le premier rang dans les études mathématiques et physiques aussi bien que dans les études classiques. Dès qu’il sortit de l’université, son père, qui ne voulait pas perdre un jour de l’avenir auquel il aspirait pour lui, s’assura la vacance électorale du bourg de Cashel, dans le comté de Tipperary, en Irlande, et Robert Peel, à peine âgé de vingt et un ans, entra en 1809 dans la chambre des communes.

II

À peine il y siégeait, et déjà l’avenir qu’on présageait pour lui était un sujet de sarcasmes ; un pamphlet courut, intitulé Testament et dernières volontés d’un patriote, qui s’amusait à donner aux hommes publics les qualités qu’il leur croyait nécessaires : « Je donne et lègue, disait-il, ma patience à M. Robert Peel ; il en aura besoin avant de devenir premier ministre d’Angleterre, et, en cas que cela lui arrive, ma patience fera retour au peuple anglais, qui en aura grand besoin à son tour. » Il y avait prétexte à cette dédaigneuse ironie ; le premier ministre prédit avait débuté avec un talent et un succès un peu froids. Les maîtres de la politique et de l’éloquence, Pitt, Fox, Burke, n’étaient plus là ; mais, dans le parlement et hors du parlement, le public, encore tout ému de leurs grandes luttes, restait passionné et difficile ; leurs seconds, Grattan, Sheridan, Tierney, Romilly, Windham, Canning surtout, occupaient encore brillamment la scène. Brougham venait d’y entrer. Plus judicieux qu’énergique et plus lucide que chaud, Robert Peel n’emporta point du premier coup, dans l’esprit des spectateurs, son renom et son rang.

Les hommes de gouvernement et d’affaires le devinèrent mieux. M. Perceval, alors premier ministre, s’empressa de se l’attacher comme sous-secrétaire d’état au département des colonies. Deux ans après, en 1812, lord Liverpool, devenu chef du cabinet, le fit d’abord principal secrétaire pour l’Irlande, puis en 1821 ministre de l’intérieur, et M. Peel occupa ce poste jusqu’à la chute du cabinet Liver-