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pour l’Europe d’avoir traversé victorieusement ces obscurs, ces périlleux défilés, pour se retrouver tout à coup en présence d’une situation simplifiée, où tous les droits au nom desquels elle a combattu se trouvent garantis. C’est là justement le caractère de ce traité, dénoûment et prix d’une guerre, que l’énergie des puissances alliées a su conduire directement au but, que leur modération a su terminer avant l’heure des difficulté insolubles.

Telle qu’elle apparaît, telle qu’elle est sortie des dernières négociations, l’œuvre du congrès se compose du traité principal, suivi d’un article additionnel, de trois conventions annexes, et d’une déclaration de tous les plénipotentiaires qui tranche dans un sens libéral diverses questions de droit maritime, telles que l’abolition de la course et l’inviolabilité des neutres. Au fond, on connaît les conditions générales du traité ; ce sont celles qui ont été le point de départ des négociations, et qui n’ont eu qu’à recevoir une forme plus précise. Le principe nouveau de droit public qui est proclamé tout d’abord, c’est l’admission de l’empire ottoman au sein du concert européen, et la garantie collective de toutes les puissances assurée à son intégrité, à son indépendance. Nul différend entre la Sublime-Porte et l’un des gouvernemens contractans ne pourra être vidé par les armes avant l’intervention médiatrice des autres états. Les réformes récemment promulguées par le divan en faveur des chrétiens ne prennent pas le caractère d’un engagement diplomatique ; le dernier édit du sultan est seulement mentionné dans le traité comme un acte dont on constate la haute valeur, et qui émane de la volonté spontanée du gouvernement ottoman. Tout droit de protection ou d’immixtion dans les affaires intérieures de la Turquie est d’ailleurs écarté. Quant aux conditions qui sont en quelque sorte les points avancés de la défense de l’empire ottoman, elles restent telles que les puissances alliées les avaient proposées. La Mer-Noire est neutre désormais et interdite à toute marine de guerre. Les états riverains ne peuvent plus avoir qu’un certain nombre de navires légers. Il n’y aura plus d’arsenaux militaires maritimes sur le littoral. Des consuls européens seront admis dans tous les ports de l’Euxin. En ce qui touche le Danube, les principes promulgués par le congrès de Vienne en matière de navigation lui seront appliqués, c’est-à-dire qu’il sera placé sous un régime entièrement libéral. Une commission européenne se réunira afin d’adopter les dispositions nécessaires pour dégager les embouchures du fleuve. Le soin de réglementer la navigation, d’en assurer la liberté, appartiendra à un comité composé de délégués des états riverains, de l’Autriche, de la Bavière, du Wurtemberg, de la Sublime-Porte et des principautés. Afin d’assurer l’exécution des règlemens qui auront été adoptés d’un commun accord, les puissances contractantes auront en outre le droit de faire stationner deux bâtimens légers aux bouches du Danube. La rectification de la frontière russe dans la Bessarabie est, comme on sait, une des conditions de l’affranchissement complet du fleuve. Cette rectification, indiquée par le traité même dans ses points principaux, sera fixée sur le terrain par des représentans des puissances négociatrices. Il reste une dernière question, celle des provinces du Danube. Les principautés continueront à jouir de leurs immunités sous la suzeraineté du sultan. Une commission européenne sera envoyée à Bucharest pour s’enquérir de l’état des principautés, dont les vœux seront consultés, et c’est de cette enquête que